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1 décembre 1999 3 01 /12 /décembre /1999 16:00

Un petit tour en Atlantique Nord 
2001-2002
Denis et Françoise STIRE
denis.stire@gmail.com

Citation :

La vie, c’est ce qui se passe pendant qu’on est occupé à autre chose.

L’idée de partir 

Vacances en Guadeloupe

L’idée de partir en bateau, pour un long périple, s’est progressivement installée dans nos esprits à la suite d’un voyage en Guadeloupe en janvier 1996.
Nous avions loué avec un groupe d’amis, deux catamarans, des Athéna 38 Fountaine Pajot. Le projet était en partie financé par le comité d’entreprise de la société dans laquelle je travaille.
Ce voyage de 10 jours autour de la Guadeloupe en passant par Marie Galante et les Saintes nous a plongés dans le monde, tout nouveau pour nous, des Iles Caraïbes. Nous avons été éblouis de naviguer sans cirés, sous un soleil toujours radieux, sur une mer belle, transparente et chaude. Les escales étaient magnifiques, le long de plages de sable blanc bordées de cocotiers. Il n’y avait pas de différence entre la réalité et les cartes postales !
Quelle transition avec nos navigations en Manche !
L’ambiance à bord des bateaux a été exceptionnelle et nous a fait encore davantage apprécier le voyage.
Séjour trop court. Nous nous souviendrons toujours du retour à Orly, dans la grisaille et le froid parisien. Ciel bas comme notre moral.
Dès cette époque, nous avons compris que nous repartirions vers ces latitudes mais sans pouvoir en définir la date.

L’occasion nous est donnée 2 ans plus tard, en février 98, de refaire un programme aussi sympathique avec une douzaine de participants et toujours l’appui financier du même comité d’entreprise. Nous louons au départ de la Martinique, deux monocoques de 40 pieds, des Océanis Bénéteau.
Nous égrenons, dans un one way de 10 jours jusqu'à Union, quelques îles de l’Arc Caraïbes dont les noms font d’autant rêver que nous ne savons pas toujours où elles se situent avant d’étudier leur emplacement sur une carte : Sainte Lucie, Saint-Vincent, Béquia, Moustique, Les Grenadines.
Séjour aussi inoubliable et toujours trop court.

Vacances en Martinique

L’occasion nous est donnée 2 ans plus tard, en février 98, de refaire un programme aussi sympathique avec une douzaine de participants et toujours l’appui financier du même comité d’entreprise. Nous louons au départ de la Martinique, deux monocoques de 40 pieds, des Océanis Bénéteau.

Nous égrenons, dans un one way de 10 jours jusqu'à Union, quelques îles de l’Arc Caraïbes dont les noms font d’autant rêver que nous ne savons pas toujours où elles se situent avant d’étudier leur emplacement sur une carte : Sainte Lucie, Saint-Vincent, Béquia, Moustique, Les Grenadines.

Séjour aussi inoubliable et toujours trop court.

Réflexions

C’est décidé, une année sabbatique en bateau s’impose pour faire une vraie coupure avec notre mode de vie actuel en région parisienne et apprécier le soleil et la beauté de ces contrées. Elle sera bienvenue dans nos existences où les vacances et les week-ends passent trop vite et où la vie professionnelle prend tant de place. Nous lui consacrons en moyenne 11 heures par jour, trajets compris, et en ressentons, malgré l’intérêt du travail, un manque de liberté, une sujétion à l’entreprise qui rythme la plus grande partie de notre vie.
Nous avons parfois l’impression d’être des fourmis programmées qui se rendent chaque matin en rangs serrés vers les lieux de travail. Nous faisons partie du flot des milliers de personnes déversées quotidiennement dans Paris par la gare Saint-Lazare. Nous vivons dans un monde où il faut toujours se presser.
Ce sentiment est renforcé après un déménagement professionnel au trentième étage d’une tour à  La Défense. Vu de là-haut, l’image des petites fourmis qui s’activent dans tous les sens est encore plus frappante.
La valeur que nous donnons au temps libre devient de plus en plus grande au fur et à mesure que nous avançons dans l’âge. Jusqu’à vingt ans, le temps semble infini. Comme pour tout ce qui est abondant, on lui donne peu de valeur et on le gaspille, parfois en s’ennuyant. En vieillissant, on le dépense plus chichement, on cherche à l’optimiser. Il devient la ressource la plus précieuse après la santé.
Nous éprouvons le besoin de rompre avec une existence qui nous donne l’impression que le temps s’écoule sans le vivre avec assez d’intensité, sans suffisamment le maîtriser.
L’arrivée de la cinquantaine, la conscience que nous sommes depuis déjà un certain temps dans la deuxième moitié de notre existence et que nous ne disposons plus des mêmes capacités physiques qu’il y a quelques années, nous font dire : il est grand temps de partir.
Par ailleurs les enfants grandissent, prennent leur autonomie. Alors, si on pensait à nous !

Le salon de la navigation de décembre 1998

Ainsi, quand nous visitons le salon de la navigation de la Porte de Versailles, en décembre 1998, l’idée de réaliser un grand voyage est déjà bien installée dans nos têtes. Nous passons deux jours à visiter des bateaux mais aucun ne nous convient. Les bateaux de grand voyage sont à mon avis mal représentés par les grands chantiers navals qui exposent dans les salons. Leur marché est trop étroit pour intéresser le grand public. Il faut s’adresser à des petits chantiers et leur rendre visite.
Nous pouvons cependant nous faire une idée du matériel de navigation nécessaire pour un tour de l’Atlantique et établir la liste de ce qui est indispensable pour une longue navigation et de ce qui serait tout de même intéressant de posséder !
Au retour, confortés dans notre projet, nous décidons d’informer notre entourage, c’est-à-dire enfants, parents et amis proches, de notre décision. Leurs réactions sont plutôt encourageantes.
Nous prévoyons de commander un nouveau bateau en 1999, de le roder en l’an 2000 puis de larguer les amarres au cours de l’été 2001 pour un tour de l’Atlantique Nord. Dès ce moment, nous définissons les grandes étapes du voyage en relisant les livres des grands marins et en nous inspirant de leur expérience. Nous trouvons également des informations intéressantes données sur le web par des navigateurs qui ont réalisé des tours du monde ou des tours de l’Atlantique. Merci à tous de vos précieux renseignements, des rêves que vous nous avez apportés et qui ont renforcé notre projet.
Les premières escales prévues sont l’Espagne, le Portugal, Madère et les Canaries. Il s’agit ensuite de traverser l’Atlantique à la saison favorable, en décembre, portés par les Alizés nord-est, puis d’arriver à la Barbade ou au Venezuela et de passer les mois d’hiver en séjournant d’îles en îles sous le climat doux et ensoleillé des Caraïbes.
Le retour est programmé pour l’été 2002, en passant plus au nord, pour bénéficier des vents d’ouest générés par les dépressions atlantiques. Ce trajet doit nous faire passer par les Bahamas, les Bermudes et les Açores.

Plongées en Guadeloupe

Nouveau voyage de 12 jours en Guadeloupe, en 1999, sur Basse Terre. Toujours par avion. Il s’agit cette fois pour moi de faire de la plongée sous-marine et de passer les épreuves du brevet niveau 3 de la FFESSM : Fédération Française d’Etude et de Sport Sous-Marin. Plonger dans les eaux claires des Caraïbes est toujours un émerveillement et provoque la sensation d’entrer dans un monde étranger au commun des mortels. De ce point de vue, cette activité apporte des joies  comparables à celles de la navigation.
Un Philosophe de l’antiquité, Socrate ou Platon, a écrit « Sur terre il existe  trois sortes d’hommes, les vivants, les morts et ceux qui vont sur la mer »
On pourrait ajouter une quatrième catégorie, celle des hommes et des femmes qui vont sous la mer pour y découvrir ses beautés.
Nous séjournons à Bouillante. Les plongées se font à partir de la pointe Malendure où sont installés trois clubs de plongée sous-marine. Nous choisissons le CIP Guadeloupe. Il possède deux bateaux et emmène les plongeurs sur la célèbre Réserve Cousteau autour des deux îlets Pigeon qui font face à Malendure. Les fonds sous-marins y sont magnifiques.
Nous assistons un matin à une scène choquante. Plusieurs gros bateaux de pêche tendent leurs filets entre les deux îlets pendant environ une heure, avant l’ouverture des clubs de plongée. Les moniteurs nous expliquent qu’ils ne peuvent rien faire et qu’ils ont même intérêt à ne pas réagir s’ils veulent garder leurs bateaux de plongée en bon état. Ils nous racontent que dans le passé, ils ont informé la gendarmerie de l’arrivée des pêcheurs. Elle leur a répondu que la Réserve Cousteau n’est pas un site protégé officiel et qu’il n’y a rien à redire !
Ainsi, des pêcheurs de l’île, viennent régulièrement prélever les beaux poissons multicolores de cette réserve.
Après le départ des bateaux de pêche, il ne reste autour des îlets Pigeon que des poissons de petite taille. Les gros perroquets et les carangues aperçus la veille ont disparus.
Bouillante est aussi une base de départ pour plonger aux Saintes. Le CIP nous emmène visiter un haut fond situé au milieu du canal des Saintes et dénommé « Sec Pâté »
On appelle canal un bras de mer qui sépare deux îles et qui peut atteindre plusieurs kilomètres de large. Rien à voir avec les canaux de la métropole. Ce sont des lieux où les vents alizés se renforcent et génèrent des courants puissants ainsi qu’une mer agitée. Plonger au Sec Pâté nécessite de prendre certaines précautions.
L’endroit est formé de trois pics, submergés par 15 m d’eau, dont la base se situe à plus de trois cents mètres de profondeur. Il est prudent d’y aller avec un bon encadrement.
La difficulté principale est de repérer les pics au milieu du bras de mer qui sépare les Saintes de la Guadeloupe, puis de plonger à moins 15 m pour amarrer le bateau sur le sommet d’un d’entre eux. Ensuite vient la récompense, la rencontre avec des espèces de poissons magnifiques et souvent de bonne taille. Une très grosse tortue vit là mais elle ne s’est pas montrée lors de notre passage.
Au cours de ces vacances, Françoise qui passe souvent ses après-midi sur la plage à attendre mon retour de plongée, observe avec l’envie d’être parmi eux, les navires qui sont au mouillage dans la baie.
Rester sur une plage, même en lisant de bons bouquins, ne nous suffit pas pour vivre pleinement ces vacances. Nous ressentons l’appel de la mer, le besoin d’avoir un bateau sous nos pieds et de naviguer. La jolie baie de Malendure où nous passons nos vacances, ne peut nous retenir très longtemps. L’idée d’en partir finit par arriver un jour ou l’autre. Un bateau donne la liberté de lever l’ancre quand on veut pour rejoindre un autre lieu et y découvrir des gens et des paysages nouveaux.
Les yachts à l’ancre devant Malendure sont souvent des voiliers de location  comme ceux que nous avons utilisés dans nos séjours précédents, mais il y a aussi quelques navires au long cours immédiatement reconnaissables au fatras de matériels amarrés sur leur pont lourdement chargé de bidons, de vélos et de planches à voile.
Ce n’est pas l’idée que je me fais de la grande croisière. Il s’agit bien entendu de vivre sur un bateau qui sert de maison pendant plusieurs mois ou même plusieurs années, mais aussi et surtout de naviguer à la voile et de ressentir le bonheur d’avoir un bateau joli, bien réglé, qui avance vite, à l’optimum de ses possibilités et des conditions météorologiques.
Ceci dit, chacun vit sur la mer à sa façon et ces bateaux surchargés réalisent parfois des périples extraordinaires pour lesquels je suis plein d’admiration.
C’est le cas de celui du gendarme Jean François Diné que j’ai rencontré au salon de la navigation où il vend le récit de son voyage. Après avoir traversé l’Atlantique, il a choisi de remonter l’Orénoque avec son voilier et a vécu deux mois dans une tribu indienne loin de toute civilisation. Il a ensuite rejoint l’Amazone puis est redescendu vers l’océan contournant ainsi toutes les terres guyanaises. Il est le premier et probablement le seul navigateur à avoir réalisé cet exploit de joindre l’Orénoque à l’Amazone avec un voilier.
D’après les photos, son bateau de 10 mètres, un Neptune 99, était particulièrement chargé puisqu’il transportait carrément des fûts de gasoil !
En fait, l’important est d’adapter le navire à son programme de navigation.
C’est à coup sûr cette raison qui rend si longues nos réflexions sur le choix de l’embarcation idéale.

 

La recherche du bateau de nos rêves

La lecture des revues

Je dévore les revues nautiques de l’année 1998 et particulièrement celles de décembre qui présentent, à l’occasion du salon nautique, la description de presque tous les voiliers que l’on peut voir le long de nos côtes.
Quelques notions se dégagent.
Le bateau doit rester beau et aller vite, même s’il est destiné à la croisière et non pas à la régate comme celui que nous possédons actuellement, un Lago 9.50 Racing. Il doit aussi être solide.
En outre, il doit être facilement maniable à deux personnes. Fini les manœuvres de changement de voiles, de virement de bord ou d’empannage réalisées en quelques secondes grâce à la présence des équipiers. Fini les longs bords de près avec les mêmes équipiers au rappel, assis les pieds à l’extérieur pour maintenir l’équilibre horizontal du bateau.
Tous ces éléments rendent le choix un peu compliqué.
Nous discutons ensemble longuement des types de construction possibles, des aménagements intérieurs et des destinations futures.
Il est important que tous ces sujets soient décidés à deux pour que le projet soit commun et que chacun y vive sa passion de la mer et des voiliers.
La lecture des revues et des plans de navires nous amène progressivement à déterminer les compromis qu’il faut accepter entre les éléments de vitesse, de confort, de solidité et d’esthétique.
L’aluminium est le matériau de ce compromis. Il n’est pas trop lourd, il commence à être acceptable pour les bateaux de 12 mètres, et il est solide.
12 mètres est  selon moi la bonne taille pour un bateau de grand voyage utilisé en équipage réduit. Avec cette taille, les forces en jeu restent maîtrisables par deux personnes, la longueur à la flottaison autorise un bon potentiel de vitesse et la place est suffisante pour loger l’équipage et le matériel dans de bonnes conditions de confort.
Les bateaux en aluminium sont construits par des petits chantiers navals qui acceptent de personnaliser leur production aux goûts de leurs clients.
Nous retenons 2 bateaux à visiter et à essayer avant de prendre une décision d’achat.

L’Alliage 38

Le premier chantier avec qui nous entrons en contact est proche d’où nous habitons. Il se situe au bord de la Seine sur le port de l’Ilon à Sandrancourt dans les Yvelines et produit les bateaux « Alliage » dont le tout nouveau 38 pieds a eu de bons reportages dans la presse nautique tout au long de l’hiver 1998-99. C’est un dériveur lesté. Son faible tirant d’eau lui permet de s’approcher plus près des côtes et d’atteindre les eaux peu profondes des baies et des fleuves que nous prévoyons de visiter.
Nous nous rendons à Sandrancourt un samedi de février 1999 peu de temps avant notre voyage en Guadeloupe. Il fait beau et le contact est bon avec les responsables. Ils nous expliquent les modes de fabrication, les étapes de la construction et nous montrent des photos du premier exemplaire de la série qui navigue depuis quelques mois. Nous avons également l’opportunité de visiter une coque nue de ce bateau en attente d’aménagement par son propriétaire.
Nous repartons avec une documentation et le prix. Pas donné, l’Alliage 38.

Le Lévrier 12 m

Le second bateau est le Lévrier 12 mètres, nouvelle version, construit par Alubat. Nous étudions longuement les plans de ce bateau, discutons avec le responsable du chantier au salon nautique, téléphonons à l’architecte et au propriétaire de l’unique exemplaire construit à ce jour pour avoir plus de renseignements.
Ses qualités principales sont la rapidité et la robustesse. Il a une ligne de flottaison assez longue qui lui donne un bon potentiel de vitesse et une quille relevable pour pouvoir accéder aux eaux peu profondes. Des béquilles lui permettent de s’échouer assez facilement. Le lest de ce bateau se situe dans sa quille relevable et non pas dans les fonds comme sur l’Alliage 38, ce qui le rend plus léger - plus le lest est bas, plus il est possible de réduire son poids - et améliore encore son potentiel de vitesse. Toutefois, le mécanisme de relevage d’une quille nécessite des moyens hydrauliques et électriques qui compliquent la construction et augmentent le coût.

Un week-end en Bretagne

Au retour de notre voyage en Guadeloupe, nous filons par une belle journée de mars 99 à La Forêt Fouesnant où est hiverné le Lévrier 12 m que son propriétaire nous laisse gentiment visiter.
Le bateau semble robuste, performant et maniable à deux personnes malgré un franc bord important. Mais nous sommes déçus par sa ligne, pas aussi jolie que celle du Lévrier 16 m dessinée par le même architecte.
Après la prise de nombreuses photos du pont et des emménagements, nous mettons le cap sur Arzal dans l’embouchure de la Vilaine où est amarré l’Alliage 38. Quand Françoise descend de voiture pour voir le bateau, elle a un pincement au cœur, la sensation de débuter une vie nouvelle, de passer du rêve à la réalité.
La chance est avec nous, les propriétaires sont à bord et nous font une visite commentée du bateau. Très belle construction, à la fois qualité du travail de l’aluminium pour la coque et du bois pour les emménagements intérieurs en teck. Bateau joli et très bien équipé, d’une taille légèrement inférieure à celle du Lévrier, donc plus maniable en équipage réduit.
Mais est-il performant avec sa dérive relevable et ses 3 tonnes de lest dans les fonds ?
Il nous tarde d’en discuter rapidement avec le chantier de Sandrancourt.

Des heures au téléphone

Le chantier Alliage se met en rapport avec les architectes du bateau, le cabinet Berret et Racoupeau, pour étudier la façon de lui donner plus de puissance sans remettre en cause sa conception d’ensemble.
Plusieurs pistes sont suivies. Allonger le mât et le gréer en 9/10 ème pour augmenter la surface de grand voile, ajouter une voile de petit temps en avant du génois à enrouleur, diminuer le poids du lest dans les fonds, mieux répartir les équipements afin de les centrer dans le bateau.
J’attends avec impatience de recevoir le projet de modification et les polaires du bateau qui donnent ses prédictions de vitesse aux différentes allures et forces du vent.
Les contacts parallèles avec le chantier Alubat ne se passent pas bien. Impossible de joindre les responsables. Ils ne donnent pas l’impression d’être intéressés par la construction d’un deuxième exemplaire du Lévrier 12 m.
Peut être sont-ils plus motivés par leurs gammes Ovni et Kirié. La réponse arrive à l’occasion d’une nouvelle relance téléphonique. Le responsable commercial confirme son désintérêt de fabriquer ce bateau à l’unité par rapport à la possibilité de construire la  série plus rentable des Ovni.
De son côté, l’architecte Jean-Marie Finot que nous informons de cette situation, pense qu’il est difficile de trouver un autre chantier spécialisé dans l’aluminium qui soit capable de reprendre le projet.
Il me faut donc abandonner l’idée de faire construire le Lévrier 12m, seul bateau aluminium léger, de faible tirant d’eau, capable de bonnes performances et solide à la fois.
Retour sur les documentations de voiliers pour analyser à nouveau leurs caractéristiques. Le choix est difficile. Les bateaux de grande série en plastique ne nous séduisent pas et bon nombre de navigateurs qui font le récit de leur grand voyage vantent les mérites des dériveurs et de l’aluminium.
Nouveau voyage en Bretagne à Arzal en avril 99 pour essayer en mer l’Alliage 38 avec les responsables du chantier nautique, Frédéric Delbecque et François Didion. Petit temps, mer belle. L’impression sur ses capacités nautiques est bonne. Malgré son poids, il file à bonne vitesse dans les vents faibles et il est confortable en navigation et au port. Nous sommes tentés de passer commande.

Viennent ensuite deux semaines de réflexion et de longues discussions au téléphone avec François Didion pour envisager les modifications à apporter à la version de base, pour choisir l’équipement à installer et pour négocier le prix.
Le mât peut être rallongé d’un mètre afin d’augmenter la surface de voile et donc obtenir de meilleures performances par petit temps. Toujours dans le but d’alléger le bateau et de le faire avancer plus vite, il est possible de réduire de 280 Kg le poids du lest dans les fonds en chargeant en contrepartie la dérive de 120 Kg supplémentaires. Le gain de poids est ainsi de 160Kg.
Le jeudi 30 avril 1999 je donne la confirmation d’achat au chantier. Mon épargne vient de fondre d’un seul coup.

Denis soliloque

 

De temps en temps une question vient à mon esprit : avons-nous raisons de consacrer tant d’énergie et de moyens à ce projet ? Une vie toute simple dans notre maison de Villennes, avec la Seine qui passe au fond du jardin et un ponton où est amarré notre canoë ne suffit-elle pas ? Les ballades à la rame autour des îles de la Seine et les régates le week-end au Havre ne valent-elles pas toutes les croisières au bout du monde.
N’allons nous pas chercher très loin ce qu’on peut trouver chez nous ?
Tous les voyageurs écrivent que cela ne sert à rien de partir au bout du monde si c’est pour fuir une réalité qu’on emporte en définitive toujours avec soi.
Heureusement, la réponse à ces questions vient vite. Dans mon cas, il y a la coupure que je veux faire avec la cadence boulot, dodo que je suis sûr de ne pas prendre à mon bord.
Et puis il y a les séjours passés aux Antilles que  je garde en mémoire et qui me motivent pour développer le projet de faire un tour de l’Atlantique Nord.
De plus, l’idée de vivre toute une année sur l’eau et en vacances m’enthousiasme.

J’ai passé depuis 20 ans  la plupart de mes étés sur des voiliers. A chaque fois il a fallu sacrifier des escales, partir de ports où on se sentait bien parce que la fin des congés approchait et qu’il fallait ramener le bateau à son port d’attache. J’espère qu’une année sabbatique me donnera le temps de vivre à un autre rythme nautique, de découvrir de nouveaux pays, de faire de la plongée sous-marine et de la natation, de lire et écrire, de me reposer, de méditer, de nouer de nouvelles amitiés, de partager tous les instants avec Françoise.

Françoise soliloque

 

Enfin la commande est passée ! Je crois que le choix de l’Alliage 38 est un choix que nous ne regretterons pas. C’est la première fois que je ressens autant d’intérêt pour un bateau. Cela est dû à la nouvelle vie à laquelle nous sommes en train de rêver tous les deux. Villennes est un charmant village et la maison est paisible et jolie. Cependant, depuis un certain temps, une forme d’instabilité m’habite. Rien ne me passionne vraiment dans notre monde moderne. Je trouve tout fade. J’ai même tendance, depuis notre premier voyage dans les îles, à me retrancher dans la solitude pour lire où rêver. Je pense qu’à notre retour je serai plus sereine car j’aurai vécu enfin ces moments recherchés et introuvables ici. Enfin je l’espère, à moins que je sois gagnée par l’ envie de continuer à voyager, à naviguer, à ne regarder que la mer comme horizon.
C’est drôle, j’ai su que l’Alliage 38 deviendrait notre bateau dès que Denis m’en a parlé pour la première fois. J’ai compris très tôt qu'il serait l’élu, bien avant que nous ayons étudié toutes les autres embarcations du marché.
2001 me paraît encore très loin. Vu mon état d’esprit, il va m’être difficile de vivre cette attente.
Fleur Bleue, notre voilier actuel, m’aide de temps en temps à m ‘échapper sur la mer. Grâce à lui, j’apprends vraiment comment faire marcher un bateau, sentir le vent, régler les voiles,  mais il ne répond pas aux rêves que je fais. La régate dans les mers froides, brrrr...
Ce dont j’ai besoin, c’est de plus d’excitations, d’une vie moins tranquille et banale. Seul un projet comme celui de faire le tour de l’Atlantique Nord en bateau peut m’apporter les sensations désirées. Tant que ce but n’est pas accompli, je ne vois pas quel coucher de soleil pourra m’apaiser.

Quel nom donner à notre bateau ?

Les noms des voiliers

Ils semblent souvent mystérieux quand on essaye de les lire sur le tableau arrière des bateaux en arpentant les pontons. Nous avons observé que les noms des bateaux français font souvent appel à des noms anglais et à l’inverse que les voiliers de Grande Bretagne portent aussi des noms français. Certains ont un double sens connu de leur seul propriétaire, d’autres sont humoristiques. Nous avons à plusieurs reprises régaté contre un vieux voilier des années 70 appelé « Gitard d’instinct » et croisé un autre dont le nom « Saucisses lentilles » a certainement un rapport avec les boîtes de conserves que tous les navigateurs ont un jour ou l’autre stockées et consommées à leur bord. Nous avons aussi rencontré à Deauville un voilier nommé « Traité de rhum »
Sur le plan d’eau du Havre, nos concurrent en régate s’appellent Jolly Jumper, Colombine, Funny Girl, Pyltoo, Relax, Initiale, Matinick, Spirit, Seculorum, Per Secula, Actuel. Je ne peux pas les citer tous.
J’ai possédé successivement 4 voiliers en copropriété.
Le premier, un Aquila acheté d ‘occasion, avait été baptisé par son précédent propriétaire « Bossa Nova », ce qui veut dire « Nouvelle vague » Le nom nous a plu et nous ne l’avons pas changé.
Le second, un First 325 a été appelé également « Bossa Nova » pour garder une continuité avec le précédent.
Le troisième, un Delher 34 fut nommé « Iroise » par ce que cette mer Bretagne représente des souvenirs de vacances. Mais après coup je me suis aperçu que ce nom est très commun et qu’il est porté par un nombre considérable de petits bateaux de pêche du Finistère.
Le nom du quatrième voilier, un Lago 9.50 m Racing, est apparu après une réflexion autour du mot « fleur »  pour donner Fleur Bleue.
Ce nom appelle plusieurs idées : « Fleur de l’âge » des copropriétaires quinquagénaires, volonté de doubler les concurrents en régate en les passant  « comme une fleur », ambition de ne pas jouer les « pots de fleurs » sur les podiums et sans vouloir me « jeter des fleurs » je pense que Fleur  Bleue est un joli nom pour un joli bateau.
Bien entendu la coque de ce bateau est bleue marine. 

Son nom sera Harmonie

Le grand voyage que nous entreprenons maintenant est une recherche d’harmonie. C’est la définition que nous donnons au mot bonheur. 
Il signifie l’entente entre nous, la paix, l’accord avec tout ce qui nous entoure, le soleil, la mer, la beauté des paysages et aussi la sympathie des gens que nous espérons rencontrer.
Voilà donc le nom choisi.
Harmonie sonne déjà agréablement à nos oreilles et évoque à la fois des images de paysages ensoleillés du bord de mer, des sons musicaux où le jazz se mêle au bruit des vagues, des sentiments de quiétude.

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  • : Voyage Harmonie
  • : Voyage en bateau, de ports en ports. "Le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain." (Roland Dorgelès)
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