Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
1 décembre 2000 5 01 /12 /décembre /2000 14:06
La longue attente

Le délai de construction

Le chantier Alliage est un petit chantier naval qui construit des voiliers à l’unité. Ses responsables sont passionnés par leur métier et produisent des bateaux de qualité à quelques exemplaires par an.
Le bateau que je commande en avril 1999 est le numéro cinq de la série des Alliage 38.
La construction doit commencer en décembre 1999 et être terminée à la fin du mois de juillet 2000.
Ce long délai présente un avantage, celui de faire bénéficier Harmonie de l’expérience de construction des premiers exemplaires et donc de lui apporter une quantité de petites améliorations.
Dans notre esprit, l’été 2000 doit être consacré à des essais de navigation afin d’avoir le bateau bien en main au moment du grand départ au cours de l’été 2001.
Nous savons déjà que l’attente sera longue mais aussi que le suivi de la construction sera passionnant.

Fleur Bleue

Nous n’oublions pas notre Lago 9.50 Fleur Bleue et redémarrons la saison des régates 1999 avec l’espoir de bien nous classer dans les championnats locaux.
Celui de Baie de Seine est organisé par les clubs qui la bordent. Les régates nous emmènent, selon le week-end, du port du Havre vers Fécamp, Honfleur, Deauville, Dives, Ouistreham, Courseulles ou encore Saint-Vaast la Hougue. Le résultat est basé sur les huit meilleures courses de la saison de printemps.
Celui du Groupement des Croiseurs Côtiers, le GCC, est établi sur les dix meilleures courses de l’année et est organisé directement par les coureurs.
Ces régates sont toujours acharnées mais restent sympathiques et se poursuivent souvent par des soirées arrosées.
Nous obtenons des résultats assez moyens dans les premières compétitions de la saison 99 suite à quelques fautes impardonnables. Les pires ont lieu sur le parcours Honfleur - Le Havre. En milieu de parcours, nous laissons à quelques mètres de notre bord une bouée qui est à contourner. C’est en cherchant à contrôler deux autres voiliers qui manquent cette bouée que nous l’oublions nous aussi. Disqualifiés. Des heures intenses de régate qui nous ont amenés parmi les premiers de la flotte ont ainsi été annulées pour quelques secondes d’inattention et des fautes de débutant.
Nous gagnons cependant la régate de Dives sur Mer sur un parcours banane et ramenons une coupe à la maison.
Tout en naviguant avec Fleur Bleue nous commençons à rechercher des acquéreurs pour notre part de copropriété. C’est un bateau fait pour la vitesse dont les emménagements sont très limités pour la croisière. Il ne peut intéresser que des régatiers.

Mes 50 ans

C’est par un beau samedi de mai 99 que nous fêtons mon anniversaire, avec quelques semaines de retard par rapport à la date officielle, pour cause de calendrier des régates chargé.
Les amis et la famille sont invités à cette fête qui se passe à Villennes autour d’un barbecue jusque tard dans la nuit.
Le canoë est de sortie et les navigateurs émérites du Havre ont l’opportunité d’essayer leur talent sur cette embarcation instable. L’équipage composite formé d’équipiers de Jolly Jumper et de Fleur Bleue remporte le tour de l’île de Villennes à la rame en 35 mn devant un équipage plus familial. L’honneur des marins est sauf.
La nuit venue, nous déclenchons un feu d’artifice en utilisant des  fusées de détresse périmées qui sont du meilleur effet au bord de la Seine.
Cela nous permet de nous exercer à leur maniement pour le cas où un sinistre surviendrait en mer. Les feux à main sont faciles à utiliser mais les fusées parachute sont d’une utilisation plus complexe. J’imagine que dans l’affolement d’un naufrage, leur lancement peut poser des problèmes. Il est prudent de manipuler tout ce matériel avec des gants.
Les habitants de Villennes ne doivent sans doute pas connaître la signification des feux de détresse. Personne n’est venu voir ce qui se passait dans notre jardin.
Toutes les fusées, périmées depuis quatre ans, ont parfaitement fonctionné. Ceci prouve, comme nous nous en doutions, que leur durée de vie est bien supérieure à la date légale d’utilisation, surtout si elles sont conservées dans de bonnes conditions d’étanchéité.
La journée se termine par un cadeau sympathique ; de la vaisselle et des couverts à bateau destinés à Harmonie.

 Les check-lists

Tous les acheteurs et constructeurs amateurs de bateaux établissent des listes impressionnantes de choses à penser : modifications à apporter aux plans d’origine, matériels à acheter, objets à emporter, démarches à entreprendre. Ces listes sont bien utiles mais servent surtout à faire passer le temps et à se donner l’impression que le projet avance.
Nous n’y échappons pas et campons devant l’ordinateur portable à coté de piles de catalogues de shipchandlers.
Les pages éditées sont destinées à alimenter les visites au chantier. A défaut de voir la construction de notre bateau avancer, nous suivons celle des exemplaires  programmés avant le nôtre.
Les déplacements réguliers à Sandrancourt nous confortent sur la qualité de construction des Alliage 38.
Nos pensées à tous les deux se dirigent en permanence vers notre projet de faire construire un bateau pour faire le tour de l’Atlantique Nord.
Notre entourage familial et  professionnel ne se doute pas à quel point nos esprits sont occupés.
Pourtant nous sommes encore à plus de deux ans du départ prévu pour l’été 2001. Le bateau n’existe que sur le papier mais nous naviguons déjà avec lui dans nos têtes.
Résisteront-elles ?

L’armada du siècle.

Les plus grands voiliers du monde sont en visite à Rouen pour la troisième édition de l’Armada du  siècle en juillet 99.
Ils redescendent la Seine par un beau dimanche après-midi pour rejoindre la mer. Nous les attendons sous le pont de Normandie, avec un ami, Pierre Yves, sur son First 33.7 afin de les admirer et de les suivre sous voiles.
Le spectacle est  beau. Nous contemplons l’Etoile et la Belle Poule de la Marine Nationale française qui passent près de nous, toutes voiles déployées. La vision du soleil couchant est magnifique. Il nous apparaît en transparence dans les voiles et donne à la mer des reflets d’or.
Nous avons de la chance d’être sur l’eau par rapport aux millions de spectateurs qui s’entassent sur les quais entre Rouen et Honfleur pour voir l’Armada 99. Les infos nationales indiquent que huit à dix millions de personnes se sont déplacées pour l’événement et sont pris dans des embouteillages de voitures inextricables.
D’où vient cet enthousiasme pour les bateaux de l’Armada qui ne sont souvent que des copies récentes de bateaux de commerce du début du siècle ?
Ils représentent peut-être, pour beaucoup de spectateurs, le rêve de partir loin afin de mener une vie différente de celle que l’on peut connaître sur la terre ferme.
Ces bateaux de l’ancien temps de la marine à voile nous font penser à un vieux vaisseau de guerre, le Victory que nous avons visité trois fois à Portsmouth. C’est le bateau de l’amiral Nelson qui a battu les Français à Trafalgar mais n’a pas profité de sa victoire puisqu’il est mort pendant la bataille. Le Victory ne navigue plus depuis bien longtemps, Il est en cale de radoub sur la base militaire de Gosport.
Tout est impressionnant sur ce voilier. Particulièrement la forme de ses flancs en V inversé pour mieux se défendre des abordages, l’épaisseur de ses bordés construits pour résister aux boulets de canon, sa salle de chirurgie peinte en rouge du sol au plafond pour masquer le sang des blessés et ses rangées  de hamacs dans les entreponts qui servent de dortoir.
Pour relever l’ancre de plusieurs tonnes, plus de 200 matelots étaient mobilisés sur un cabestan installé au travers des ponts du navire et devaient pousser, à chacun des étages, des barres engagées dans un moyeu.
La vie à bord devait être un enfer pour ces matelots, quelquefois enrôlés de force pour mener des campagnes maritimes faites de corvées, de manœuvres, de punitions et de combats.
Ils ne pouvaient même pas se rebeller, ne sachant pas mener le navire. Le maniement du sextant  et la connaissance de la navigation était l’apanage des seuls officiers supérieurs.
Autres temps et autres façons de naviguer !

 Les vacances d’été 1999

Une première semaine de congés me permet de participer à une régate normande, le Tour des ports de la Manche avec Fleur Bleue. Françoise n’est pas de la partie. Le programme qui se déroule sur quatre jours, va de Granville à Saint-Vaast la Hougue en passant par Saint-Hélier, Carteret, Dielette et Cherbourg. Ces villes étapes réservent un accueil sympathique aux équipages de la centaine de voiliers qui participent à la course.
La palme va à Dielette. Ce petit port offre un accueil de bonne qualité. Il a de gros moyens financiers grâce à la centrale nucléaire de Flamanville qui se trouve sur son secteur.
Au cours de l’édition précédente, en 1998, il a organisé le repas d’étape dans un gymnase à l’heure de la finale de la Coupe du Monde de football. Nous avons assisté à la retransmission en direct du match sur des écrans placés à coté des tables de repas. L’ambiance était survoltée. Chaque but déclenchait chez les six cent marins participants au Tour des ports de la Manche, des hourras qui ont fait vibrer tout le gymnase. La victoire des bleus a créé une atmosphère inoubliable. Bravo aux organisateurs d’avoir inclus cette épreuve sportive dans le programme de voile.
A l’inverse Carteret n’améliore pas ses prestations d’une année sur l’autre en organisant tous les ans un buffet froid sous une tente battue par le vent.
La régate de 1999 se déroule aux allures de près, par petit temps, ce qui n’avantage pas Fleur Bleue. Nous arrivons dans les premiers en temps réel mais le résultat en temps compensé est moyen.
Pour faire la différence avec les autres bateaux, il faut au Lago des allures ventées et portantes. Vingt cinq nœuds de vent sous spi nous permettent des vitesses de plus de 15 nœuds alors que les bateaux de séries classiques, plus lourds, atteignent à peine 10 nœuds.
Dans ces moments là, Fleur Bleue  plane, se fait porter par une même vague sur plusieurs centaines de mètres et laisse la plupart de ses concurrents loin derrière. Tout cela dans un bruit d’enfer provoqué par les vibrations et la résonance et du bateau, au milieu d’une gerbe d’eau qui arrose copieusement l’équipage.
La remise des prix est organisée à St-Vaast sur l’île Tatihou que l’on rejoint à pied à marée basse. L’endroit est joli avec ses bâtiments  militaires du XVII ème siècle mais l’équipage de Fleur Bleue ne monte pas sur le podium !
La deuxième partie des vacances est consacrée au convoyage du First 33.7 Pyltoo, que Pierre Yves Lack nous confie, pour l’emmener du Havre à Morlaix  afin de prendre le départ du Tour de Finistère.
Le trajet Le Havre à Saint-Pierre de Guernesey est avalé à toute vitesse - 120 milles en moins de 18 heures - en une seule étape, grâce à un bon vent portant et aux forts courants des Pointes de Barfleur et de La Hague. Nous arrivons à temps à la marina de Saint-Pierre pour nous abriter d’un coup de vent qui va durer deux jours. Nous en profitons pour revisiter l’île en voiture de location. Nous apprécions toujours le dépaysement des îles Anglo-Normandes avec leurs sentiers de promenade, leurs pubs et leur british way of life.
La suite du parcours se fait pratiquement au moteur, le vent étant complètement tombé après le passage de la dépression.
Nous retrouvons au cours de ce  convoyage à deux les automatismes de la navigation en équipage réduit comme à l’époque ou nous naviguions sur Iroise, notre Delher 34, le long des côtes anglaises ou bretonnes.
L’aspect spartiate de Fleur Bleue ne nous permet plus de réaliser, durant l’été, des croisières en complément de notre programme de régates.
Il nous tarde de naviguer sur Harmonie pour retrouver certains cotés sympathiques de la voile, ceux ou nous prenons le temps de siroter des apéros et de nous cuisiner de bons petits plats en mer.

 La fin du championnat 1999

La saison 99 des régates du  GCC se termine fin octobre par une place de cinquième au classement général et une place de premier au championnat d’automne. C’est notre meilleur score depuis 8 ans que nous courons en baie de Seine.
Un dîner au Sport Nautique du Havre clôture la trentaine de régates  courues cette année.
Odile et Marie France, les permanentes du club, nous préparent un excellent repas qui contribue à entretenir la réputation culinaire du SNH.
C’est notre dernière année complète de championnat. Notre part de copropriété de Fleur Bleue sera vendue à la fin de l’été 2000.

Nous voici à nouveau au salon de la navigation de Paris en décembre 1999

Nous sommes présents sur le parvis du salon de la Porte de Versailles, dès 9h. En attendant  l’ouverture nous pouvons observer la foule qui attend de rentrer. C’est une foule reconnaissable entre toutes. Certains détails de l’habillement indiquent son appartenance au monde maritime : vareuses, bonnets, cirés, chaussures de pont. Quelques-uns affichent, en plein hiver, des visages burinés par le soleil et le vent. Cette foule, c’est celle des voileux dont nous faisons partie. Elle arrive de tous les coins de France pour visiter les bateaux nouveaux, rêver de projets de croisières ou de régates et pour certains comme nous, préparer un long voyage.
Nous passons 3 jours complets à étudier et valider tous les choix d’équipement du bateau : voiles, électronique, winchs, guindeau, rails, poulies, moteur, annexe, matériel de sécurité, etc…
Nous consultons aussi les assureurs pour connaître leurs tarifs en fonction des zones de navigation. Les clauses des contrats d’assurance sont une embrouille qu’il est indispensable de démêler.
Tous les fournisseurs liés au nautisme sont présents les uns à côté des autres. C’est un avantage. Il est facile de comparer leurs produits et leurs prix. On y rencontre des vendeurs compétents mais aussi des vendeurs qui ne connaissent pas grand chose au monde maritime. Nous avons du poser d’innombrables questions à beaucoup de vendeurs différents avant de pouvoir comparer les fonctions principales des matériels électroniques.
Nous obtenons de bons conseils pour notre grand voyage sur les stands des associations qui, tous les ans, rassemblent des bateaux de croisière pour une traversée de l’Atlantique à partir des côtes européennes vers l’Amérique du Sud ou vers les Caraïbes.
Leurs informations  sont précieuses parce qu’elles ont utilisé et testé les matériels vus sur les stands. Elles nous confirment que la réalité ne correspond pas toujours à la publicité.

La construction d’Harmonie

Elle débute en décembre 99. Les premières tôles d’aluminium sont découpées pour bâtir les couples qui donneront la forme de la coque du bateau. Ces couples assemblés et soudés aux varangues et aux barrots sont montés sur un mannequin et reliés par les lisses. Le travail d’assemblage est d’une grande précision.
La coque est construite à l’envers de façon à faciliter le montage de ses éléments. Les pièces de structure sont découpées au jet d’eau à très haute pression. Cette technique évite la déformation des tôles sous l’effet de la chaleur émise par les moyens de découpe classiques. Le jet est piloté par commande numérique pour obtenir une section très précise, à partir d’une disquette de programmation fournie par l’architecte. Le chantier qui ne possède pas l’appareil de découpe, soustraite le travail à une entreprise spécialisée.
Les tôles du bordé sont mises en forme dans des presses à olives et soudées sur la structure.
Notre rêve devient progressivement réalité. Avant le début de la construction, notre projet n’était  matérialisé que par une carte de l’Atlantique achetée pour tracer les grandes lignes de notre périple et rêver de destinations lointaines. Maintenant nous avons en plus une coque en aluminium.
Nous nous rendons régulièrement au chantier de Sandrancourt, situé à 30 mn de notre domicile pour suivre l’état d’avancement des travaux.
La partie chaudronnerie est achevée avec un peu de retard en avril 2000 puis la coque est enduite, peinte et accastillée, le moteur installé, ce qui dure encore deux mois.
Le bateau est ensuite mis à l’eau et conduit à Longueil, en suivant la Seine et l’Oise, pour être aménagé par la menuiserie marine Delhay.
Les travaux d’aménagement intérieurs se déroulent aussi sur deux mois pour personnaliser le bateau à notre goût et en fonction de notre expérience.
Il revient ensuite jusqu’au Port de l’Ilon sur la Seine, près du chantier Alliage, pour recevoir l’équipement électronique sous-traité à un spécialiste et quelques dernières finitions.

Les premières sorties

La descente de la Seine

Enfin, à la fin du mois d’août 2000 nous prenons livraison d’Harmonie et descendons la Seine en naviguant au moteur jusqu'à Honfleur, le mât posé à l’horizontal sur le pont. Nous sommes accompagnés par une partie de l’équipe du chantier Alliage. Ce parcours effectué  en 2 jours avec une escale à l’île Lacroix à Rouen nous permet d’apprécier des paysages jolis et variés.
C’est la première fois que nous naviguons aussi longuement sur un cours d’eau. Au fur et à mesure que nous descendons  vers la mer, la Seine s’élargit. Les rivages, avant Rouen sont champêtres  et le décor change à chaque méandre. Aux Andelys les falaises surplombent le fleuve qui serpente entre des îles basses sur l’eau. Nous croisons de nombreuses péniches et apprenons les règles de la circulation fluviale qui se fait tantôt à droite, tantôt à gauche, selon les panneaux indicateurs.
Les écluses que nous franchissons sont impressionnantes. Une fois entrés dans le sas, les portes se referment et le niveau descend rapidement d’environ 15 mètres. Le bateau se trouve alors enfermé dans un espace étroit et sombre, encadré par deux hautes murailles impossible à escalader. Puis la porte aval s’ouvre et le bateau retrouve la lumière et la liberté.
Après Rouen nous croisons des cargos qui remontent la Seine. Il nous faut nous éloigner de leur vague d’étrave.
Nous dépassons les villes coquettes de La Bouille, Duclair, Jumièges, Caudebec. Leurs habitations sont érigées sur chaque rive de la Seine. Des bacs les relient et apportent une note désuète par rapport aux grands ponts de Brotonne, de Tancarville et de Normandie qui enjambent le fleuve.
J’espère que ces bacs resterons encore longtemps en fonctionnement. J’en ai un bon souvenir qui date de l’époque où j’ai vécu à Rouen. Un dimanche après- midi, en famille, j’ai longé la Seine en voiture, de Rouen jusqu’au Havre, en traversant le fleuve à chaque fois que je rencontrais un bac. Je les ai pris tous. Il y en avait une dizaine qui m’ont fait passer alternativement de la rive droite à la rive gauche. Par bonheur ils sont  gratuits pour les véhicules immatriculés en Seine Maritime.
Déjà tout ce qui ressemblait à un bateau m’attirait, mais à l’époque, je ne possédais encore qu’un 420 que j’utilisais sur les étangs de Poses près de Rouen.
Harmonie arrive à Honfleur en fin d’après midi et est mâté le lendemain. Nous faisons les essais de voiles dans le chenal d’accès à la mer long de 5 milles.
Le jeu de voiles donne bonne impression. Il est composé d’une belle grand voile lattée, d’un génois sur enrouleur, d’un spi asymétrique fixé sur la delphinière, d’une trinquette à ris et d’un tourmentin qu’on « en draille » sur un étai volant.
Les tissus composites choisis pour la grand voile et le génois leur donnent à la fois une grande résistance indispensable pour un tour de l’Atlantique et suffisamment de souplesse mécanique pour optimiser les réglages.
Nous avons consacré un budget important et aussi beaucoup d’attention au jeu de voiles qui évidemment est déterminant pour bien faire avancer le bateau.

L’Angleterre

Après une brève escale au Havre, nous prenons la direction de l’Angleterre pour un premier apprentissage d’Harmonie. Gosport  à l’entrée de la baie de Portsmouth est atteint après une nuit de navigation par vent de force 5 qui permet de tester les qualités nautiques du bateau. Il nous apporte une impression de stabilité et de sécurité sur une mer assez houleuse. Pour éviter de passer toute la nuit à barrer Harmonie, je maintien la barre franche dans l’axe du bateau en orientant son stick à 90 degrés et en l’appuyant contre l’hiloire de cockpit. Ceci suffit à conserver un cap constant sans l’aide du pilote automatique.
La journée à Gosport est consacrée au repos après la traversée de nuit. Nous passons le lendemain à Cowes avant de rentrer plus tôt que prévu pour éviter une période de mauvais temps qui risquerait de nous bloquer en Angleterre au-delà de notre période de vacances.
De ces quatre jours dans le Solent, nous retenons le dépaysement apporté par le mode de vie des Anglais et notamment leur cuisine – nous sommes amateurs de fish and chips – la visite toujours émerveillée chez le photographe Beken et les marinas aux tarifs prohibitifs !
Nous rentrons en France en naviguant à nouveau de nuit, au près par force 4 à 5 avec un ris dans la grand-voile et débarquons au Havre juste quelques heures avant qu’un bon force 8 ne siffle sur les pontons.
Le rail des cargos qui descendent de la Mer du Nord vers l’Atlantique, en se suivant à quelques milles de distance, est difficile à traverser. La vitesse de ces bateaux est grande par rapport à celle d’un voilier. Ils s’approchent donc très vite. La direction de certains bâtiments est malaisée à évaluer de nuit, notamment quand leurs feux vert et rouge qui indiquent respectivement leurs cotés tribord et bâbord sont impossibles à  distinguer parmi toutes les lumières de leur château arrière. Le problème de la traversée du rail de nuit est rendu encore plus ardu par les caboteurs et les ferry-boats qui comme nous croisent le rail entre les côtes anglaises et les côtes françaises.
J’ai, en plein milieu de la nuit,  l’angoisse de voir les lumières d’un grand navire s’avancer rapidement à ma rencontre. Dans la plupart des situations, j’applique le dicton « vert sur vert tout est clair, rouge sur rouge rien ne bouge » Cette relation logique entre les feux de route de deux navires qui de croisent suffit à éviter tous les mastodontes de la mer. Mais ici, je ne peux apercevoir son feu tribord vert ni son feu bâbord rouge. Impossible donc  de définir sa trajectoire. Rien que des lumières blanches et jaunes qui se rapprochent. Je suis obligé de mettre le moteur en route pour être plus manœuvrant et je change temporairement de direction pour m’en éloigner. Il est tout illuminé, pourtant ce n’est pas un transport de passagers. Il passe enfin à une centaine de mètres de notre bord et s’éloigne happé par la nuit sans que j’ai pu l’identifier.
Je m’aperçois après coup que je n’ai même pas pensé à utiliser mon radar qui m’aurait donné toutes les informations nécessaires sur la distance, la route, la vitesse du cargo. Harmonie est le premier bateau sur lequel j’installe un radar et je n’ai pas encore le réflexe de m’en servir.
Quelques milles plus loin, nous traversons, cette fois sans difficultés, le rail montant des bateaux qui se dirigent vers les ports de la Mer du Nord. Ils se trouvent pratiquement tous sur une même file et je les croise sans être obligé de changer de cap.
Harmonie s’est bien comporté au cours de ces 4 jours de navigation et nous conforte dans l’idée qu’il conviendra bien à notre projet de tour de l’Atlantique Nord.
Nous passons les week-ends de septembre et octobre à faire de petites  navigations pour compléter les essais. Elles nous emmènent à Deauville, à Ouistreham et  à Port en Bessin dans lequel je n’étais pas entré depuis plus de 10 ans.  Les régates ne nous conduisent jamais dans ce port réservé essentiellement à la  pêche.  Et puis, j’ai le souvenir lors de la dernière escale, de pêcheurs qui m’avaient demandé de changer mon bateau de place trois fois de suite dans la soirée pour soi disant faciliter leur manœuvre de départ prévue dans la nuit. Opposition classique entre les marins qui vont sur la mer pour travailler et ceux qui y vont pour leur loisir. Les choses ont certainement changé depuis cette époque  puisque nous sommes aujourd’hui bien accueillis par l’éclusier et passons une soirée sympathique dans ce port sans être dérangés. Nous dînons à bord de notre bateau, en dressant la table dans le cockpit, au retour d’une belle promenade sur les falaises et dans la ville qui s’est ouverte au tourisme.
Un bateau neuf, construit à l’unité, n’est jamais complètement terminé le jour de sa livraison. Au cours des week-ends de l’automne 2000 nous établissons à nouveau des listes de petits détails à améliorer ou à réparer : fuites d’eau provenant de la baille à mouillage et du capot de descente, finitions à apporter à la menuiserie, petits problèmes électriques à résoudre, etc…
Heureusement, le chantier Alliage reste disponible pour faire ces travaux.


Partager cet article
Repost0

commentaires

Présentation

  • : Voyage Harmonie
  • : Voyage en bateau, de ports en ports. "Le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain." (Roland Dorgelès)
  • Contact

Recherche

Liens