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31 janvier 2002 4 31 /01 /janvier /2002 08:36
Les petites Antilles sud
La Barbade

Bridgetown

Nous débarquons avec l’annexe à Carénage dans l ‘embouchure du petit fleuve « Constitution river » qui nous amène au centre ville de Bridgetown, la capitale de la Barbade. On est vendredi 28 décembre 2001. Cela fait du bien de retrouver la civilisation après 15 jours en mer.

Ce qui frappe immédiatement, c’est le coté british et moderne de la ville. S’il n’y avait pas les palmiers et la population colorée, on se croirait à Guernesey avec ses rues bien entretenues, son Parlement, ses églises anglicanes et autres « Methodist Church » ou « Seventh Day Adventist Church », ses magasins Wollworth, ses policemen impeccables en version tropique.

Ici, bien entendu on parle anglais. Les gens sont accueillants, bien habillés, le niveau de vie semble élevé comme en Europe. Les prix pratiqués dans les magasins confirment l’impression. Il faut 7 dollars US pour un kilo de tomates, un dollar US  pour deux citrons. Les commerçants sont habitués à voir arriver d’énormes paquebots chargés de touristes américains ou anglais qui payent sans regarder les prix. Nous retrouvons d’ailleurs le Queen Elisabeth que nous avons croisé à plusieurs reprises en Espagne, au Portugal et aux Canaries.

Il y a un nombre invraisemblable de magasins de luxe où l’on trouve des bijoux et des parfums français mais leurs panneaux « free taxes » ne sont que des attrape-nigauds.

Ensuite, quand on s’éloigne du centre ville commerçant et peu habité, on trouve des rues bordées de petites cases en bois, avec des toits en tôle. La case représente l’habitat principal de l’île. Certaines sont coquettes et semblent confortables bien que petites, d’autres apparaissent très arriérées voire en mauvais état. Tous les habitants de l’île n’ont pas un niveau de vie élevé.

Allô !

Il manque pourtant dans cette île un élément de modernité qu’on trouve partout ailleurs y compris dans les coins les plus reculés de l’Afrique. Je ne m’en étais pas aperçu. C’est Françoise qui me l’a fait remarquer. Ici, dans les rues, on ne rencontre pas d’hommes ni de femmes qui parlent seuls, à voix haute, en faisant de grands gestes d’une main pendant que de l’autre ils maintiennent un téléphone portable collé à leur oreille. Les téléphones portables ne semblent pas exister à la Barbade. On n’en voit pas dans les rues, ni en vente dans les magasins. Mystère. Les Barbudiens sont peut-être plus sages que nous. L’île est petite et quand ils ont quelque chose à dire, ils vont voir la personne.

Les formalités

Je ne vous ai pas parlé des formalités d’entrée et de sortie des pays traversés depuis bien longtemps. Il y a une bonne raison à cela. Depuis Nazaré au Portugal, je ne me suis pas rendu dans les bureaux de douane ni de police des divers ports abordés et les képis ne sont pas venus à ma rencontre. Je sais, cela n’est pas bien. Je vis dans l’illégalité. Officiellement je ne suis passé ni dans la partie sud du Portugal, ni aux Canaries, ni aux îles du Cap Vert.

Mais j’ai ainsi gagné un temps précieux et du même coup, j’ai évité aux autorités de ces endroits de perdre le leur et de gâcher des liasses de papier. A raison de trois quarts d’heure par visite, auxquels il faut encore ajouter trois autres quarts d’heure pour trouver les bureaux, attendre les horaires d’ouverture, faire la queue, retourner au bateau chercher les documents qui manquent, j’ai évité au moins 24 heures de perte de temps !

Mais ici à La Barbade, pour commencer mon séjour aux Antilles, je préfère remettre les choses en ordre.

Je me rends donc avec Françoise, en taxi, à la douane du port de commerce de Bridgetown qui est chargée de faire la clearance des bateaux de passage. La clearance, c’est l’ensemble des formalités d’entrée et de sortie des îles et le paiement d’un droit de séjour.

La douanière est en train de papoter avec des collègues à l’extérieur. Je sens une légère irritation monter quand elle nous aperçoit devant son bureau. Au travail madame !

Elle interrompt sa conversation et nous rejoint. Nous entrons dans son bureau équipé de tout le matériel nécessaire à un fonctionnaire aux Antilles : la télé, un frigo et un four micro ondes. Elle nous souhaite la bienvenue mais ajoute immédiatement que nous n’avons pas respecté la procédure officielle qui est de venir avec son bateau dans le port de commerce pour le présenter aux autorités !

« Je ne savais pas, madame, je l’ai laissé ancré dans la baie. Est-il possible de déroger et de remplir les formalités sans voir le bateau. Cela prendrait beaucoup de temps de retourner le chercher. J’ai tous les papiers sur moi pour expédier l’affaire ! »

Coup de téléphone à un supérieur et au bout de cinq minutes, c’est d’accord, je ne présente pas mon bateau à l’entrée mais je devrai le présenter au moment de quitter la Barbade.

« Bien entendu madame. Thank you very much »

 

 

 

 

A un moment, la douanière me demande le papier officiel de sortie du dernier port que j’ai quitté avant d’arriver à La Barbade. Je palis un petit peu. Le port de sortie avant d ‘arriver à La Barbade est Tarrafal sur l’île de Santiago au Cap Vert. Je ne possède aucun document relatif à cet endroit. Je me rappelle cependant qu’aux Canaries, le port de La Gomera m’a donné un document de sortie susceptible d’être réclamé dans l’archipel du Cap Vert. Ce n’est pas un formulaire de douane ni de police mais il y a tout de même un beau tampon dessus.

Je le lui remets et elle le classe sans le regarder. Ouf ! Ce document est daté du 23 novembre et on est le 30 décembre. Cela rend la durée de la traversée assez invraisemblable. Il vaut mieux ne pas insister.

Elle me soulage ensuite d’une taxe de 25 dollars US qui me donne le droit de rester à La Barbade tant que je veux.

Quand tout est en ordre, la douanière me souhaite un bon séjour et ajoute « maintenant vous devez aller au bureau de la santé et à celui de l’immigration »

« Quoi? What? Please, would you repeat? »
Par bonheur le bureau de la douane, de la santé et celui de l’immigration sont dans le même bâtiment. L’officier de santé me demande de remplir un questionnaire sur toutes les maladies que j’ai contractées durant mon voyage. Je mets peu de temps à le compléter en cochant « NO » dans toutes les cases. L’officier donne l’impression de s’ennuyer un peu dans son job. Il me dit s’appeler Denis comme moi. Je lui réponds pour être aimable : « Vous l’écrivez avec deux N et vous prononcer « dénisse », je suppose ? » « Non » me rétorque-t-il en riant « Un seul N. Je suis peut être d’origine française ! » « Ou moi barbudien » ajoutais-je pour terminer la conversation avant d’aller rendre visite à l’officier d’immigration.

Celui-ci est également très accueillant et décore nos passeports avec de jolis tampons.

Il nous souhaite lui aussi un bon séjour en nous demandant de revenir le voir quand nous quitterons le territoire.

Après ces démarches, nous retrouvons l’air libre avec soulagement.

Bonne année, bonne santé que vos rêves les plus fous se réalisent !

Le réveillon de nouvel an est très réussi. Nous le passons tous les deux sur Harmonie. Françoise s’est surpassée à la cuisine comme d’habitude. Je ne vous décris pas le menu dans le détail. Il est à la hauteur de celui du réveillon de Noël, avec une différence : le poisson est remplacé par de la viande de Nouvelle Zélande qui est très bonne. C’est d’ailleurs la seule en vente dans les magasins. Et puis nous avons tellement rêvé de steaks pendant les quinze jours de mer que le moindre bout de barbaque est un délice.

Nous assistons à un joli feu d’artifice pour fêter la nouvelle année. Sur Harmonie nous sommes aux premières loges. Quelques bateaux ancrés dans la baie envoient des fusées de détresse qui tracent dans le ciel de belles arabesques rouges.  Nous sommes aussi sur l’avant-scène pour écouter la musique – ou plutôt les décibels – diffusée par un club sur la plage, à saturation des amplificateurs, jusqu’à quatre heures du matin !

La belle baie

La température de l’air est à 30°, celle de l’eau à 28°. Ces conditions de temps me conviennent très bien. Elles me permettent de plonger et nager autour du bateau, à toute heure du jour, sans transition, sans claquer des dents, sans attendre une demi-heure entre le moment où je mets les pieds dans l’eau et celui où j’y mets la tête.

J’en profite pour nettoyer la coque envahie par de nombreux anatifes qui sont venus s’y coller durant la traversée.

De temps en temps nous effectuons une ballade sur la plage qui borde la baie où nous sommes ancrés. Elle est couverte de sable blanc d’une finesse exceptionnelle.

Vous me direz, du sable, c’est commun, il y en a aussi en région parisienne. Oui, je le concède, on en trouve à cette époque de l’année sur les routes gelées, mais il n’est pas aussi beau qu’ici.

Nous nous promenons aussi en bus à travers l’île qui est très verte et agricole. Des plantations de canne à sucre côtoient des prés occupés par des bovins.

Nous longeons la côte Est de La Barbade jusqu’à Bathsheba qui est un spot de surf. La houle de l’Atlantique vient s’y briser et érode d’énormes blocs de pierre qui restent plantés sur la plage. Avec un peu d’imagination, ils finissent par ressembler à des sculptures humaines.

Après une semaine de détente à La Barbade nous décidons de partir pour l’île de Sainte-Lucie distante de 87 milles. Nous quittons le mouillage de Carliste bay et passons par le port de pêche de Bridgetown pour refaire les pleins de gasoil et d’eau. Le gasoil est moins cher qu’en France, moitié prix. Pour l’eau, on me demande de donner ce que je veux. Je me débarrasse de mes derniers billets et pièces barbudiens. Ensuite il faut encore aller au port de commerce pour faire les formalités de sortie : re-visite au bureau de la douane et à celui de l’immigration ainsi qu’au bureau du port qui me fait payer une « anchorage tax » de 4 dollars US. Je n’ose pas protester. Dans le passé, le droit de clearance était la seule taxe demandée. On me donne un reçu et mes dollars sont entreposés dans une boîte de conserve rangée dans une armoire !

 

 

 

 

 Nous sommes le vendredi 4 janvier 2002. Il est 16h30. Nous mettons le cap sur Sainte-Lucie. Le rythme des quarts est rapidement retrouvé. Nous atteignons le mouillage de Vieux-Fort bay après une nuit passée en mer, vent portant 3 à 4 beaufort et houle de nord-est comme d’habitude.

 Je remplis ensuite 4 formulaires pour dire tout ce que je sais sur mon bateau et son équipage. Heureusement que nous ne sommes que deux à bord sinon j’y passerais la demi-journée. Mais tout se passe avec le sourire.


Sainte-Lucie

Un peu d’Histoire, je ne serai pas long

Souvent, aux Antilles, on retrouve des noms de ville et de lieux français. Cela tient à l’Histoire. Dans les siècles passés ces îles ont été annexées tantôt par  la France, tantôt par l’Angleterre qui ont chacune laissé leur empreinte.

A Sainte-Lucie, le Duc de Castries a donné son nom à la capitale. Le port de Vieux-Fort, la pointe Mathurin sont aussi des noms donnés par les Français. Le patois est constitué de mots créoles à base de français mais la langue parlée est l’anglais depuis que l’île est devenue britannique à la suite des guerres Napoléoniennes.

Au cours du siècle dernier la France a décidé de donner le statut de département aux îles qu’elle a conservé comme la Martinique et la Guadeloupe. L’Angleterre de son coté a décidé d’accorder l’indépendance aux siennes. Il en est résulté des écarts importants de niveau de vie. Dans les îles sous dépendance française, l’aide a été renforcée. Aujourd’hui, 30 à 40 % de la population de la Guadeloupe et de la Martinique bénéficie du RMI.

Dans les anciennes possessions anglaises la population a du se débrouiller seule ce qui explique qu’elle fait plus d’efforts pour attirer le tourisme et que chacun doit s’organiser pour subsister.

La première journée à Sainte-Lucie

Nous jetons l’ancre au sud-est de Vieux-Fort, dans 10 m d’eau, à l’abri de la pointe Mathurin. Il y a un autre bateau au mouillage.  Il lève l’ancre rapidement et nous restons seuls dans la baie pour passer la journée et la nuit.

Nous sommes samedi, le bureau de la douane du port de commerce est fermé. Nous décidons de reporter à plus tard la contrainte de clearance qui, le WE, doit se faire à l’aéroport.

Nous entrons avec l’annexe dans le nouveau port de pêche. Il est bien abrité, avec une criée et des locaux modernes. Une vingtaine de barques de pêche neuves équipées de moteurs puissants sont amarrées le long des quais. Il s’agit là d’un investissement important fait par le gouvernement. J’espère que la rentabilité a été bien étudiée et que les installations seront bien utilisées bien par les pêcheurs.

Un comité d’adolescents nous accueille pour garder l’annexe pendant notre visite de la ville. Le prix demandé, 4 dollars US, est élevé. Je m’y attendais. Les guides nautiques conseillent de ne pas faire escale à Vieux-Fort pour cette raison. Je tente de négocier. Après quelques palabres j’obtiens une réduction de 50% en faisant deux concessions : revenir le lendemain pour faire à nouveau garder l’annexe et acheter un poisson. Le poisson, un thon de deux kilos fait les délices du repas du soir.

Je reste un certain temps à discuter avec ces ados pour leur expliquer que leur tarif détruit leur commerce. Si les prix pratiqués étaient raisonnables, les guides signaleraient Vieux-Fort comme une étape accueillante et les bateaux viendraient plus nombreux. Malgré cela, l’intérêt court terme semble primer pour eux.

Certains de ces ados, voyant à mon accent que je suis français, me parlent en utilisant leur patois créole construit à partir d’anciens mots français. Je ne les comprends alors plus du tout et leur demande de s’exprimer en anglais ce qui est mieux pour moi. Ils paraissent tout étonné !

Vieux-Fort est une bourgade classique des Antilles. Les cases en bois avec des toits de tôles constituent l’habitat principal comme à La Barbade et abritent aussi les petits commerces. On trouve quelques bâtiments modernes construits en dur pour loger des banques, des supermarchés et des services officiels. Les rues sont animées. Il y a de nombreux vendeurs de rue. Les chèvres et les poules  circulent librement. La propreté laisse à désirer.

Le grand supermarché est bien achalandé. On y trouve plus de produits qu’à La Barbade. Les produits français sont bien représentés. Cela tient certainement à la présence proche de la Martinique. Les prix sont normaux sauf pour le chocolat et le camembert qui sont des articles de luxe !

Les journées suivantes

Le lundi suivant notre arrivée nous nous rendons au bureau de douane du port de commerce pour effectuer la clearance. C’est un port de commerce peu actif. Il n’y a pas de cargos à quai et aucun navire n’est entré ni sorti depuis notre arrivée. Le douanier a donc tout le temps de s’occuper de nous.

Je remplis les formulaires habituels en quatre exemplaires. Le papier carbone a encore de beaux jours devant lui aux Antilles. Je triche un peu sur les dates en indiquant être arrivé le dimanche matin au lieu du samedi. En effet, tout bateau arrivant dans une île doit immédiatement effectuer sa clearance. Il est interdit de débarquer et de se promener tant qu’elle n’est pas faite. En déclarant être arrivé le dimanche, je me présente à la douane avec un seul jour de retard, ce qui je l’espère aparaîtra moins grave au douanier. Mais celui-ci, en comparant la date de sortie portée sur le document de la douane de Bridgetown et la date d’arrivée à Sainte-Lucie que je mentionne, s’étonne du temps mis pour faire le voyage. Il trouve que deux jours c’est beaucoup. Je persiste dans mon mensonge et lui raconte que je suis parti avec un jour de retard de La Barbade par rapport au document établi. Il accepte l’explication et tamponne le document d’arrivée. Une bonne surprise : il ne me réclame aucune taxe à payer. Une mauvaise surprise : il me demande de me rendre dans l’enceinte de l’aéroport, au bureau de l’immigration, pour faire tamponner les passeports. Il m’explique qu’il n’y a plus de bureau d’immigration en ville contrairement à ce qu’indiquent les guides nautiques.

Les bâtiments de l’aéroport ne sont situés qu’à 300 mètres de la sortie de la ville, mais pour y accéder, il faut contourner la piste d’atterrissage ce qui représente un trajet de plusieurs kilomètres. Nous prenons un taxi et trois quarts d’heure après, nous ressortons de l’aéroport avec les passeports tamponnés et satisfaits d’être en règle vis-à-vis de toutes les autorités locales.

Nous passons les journées suivantes à faire quelques promenades en ville, à consulter notre messagerie e-mail et à compléter l’avitaillement du bateau en prévision de l’arrivée de mon fils aîné Ludovic.

J’étrenne le fusil de chasse sous-marine tout neuf que j’ai acheté à La Barbade dans un petit magasin d’articles de pêche tenu par deux british très typiques. Pour mon premier essai, je ramène six poissons que j’identifie comme étant des mombins. Ils sont de petite taille mais fournissent une excellente friture. Ce sont des poissons peu farouches. Un d’entre eux est même venu voir s’il n’y avait rien à manger à l’extrémité de ma flèche. Il n’a pas eu le temps de comprendre ce qui lui arrivait.

Après quelques jours passés à Vieux-Fort, nous accueillons, le samedi 12 janvier, Ludovic qui arrive de Montréal. La transition entre le climat du Canada et celui des Antilles se traduit immédiatement pour lui par de bons coups de soleils.

Avant de quitter l’île, nous effectuons les formalités de sortie au bureau de douane de l’aéroport qui ne manque pas de me réclamer une petite taxe.

Le lendemain matin nous mettons le cap sur l’île de Saint-Vincent distante de 25 milles. Le parcours est effectué en quelques heures. Le vent entre les îles est assez fort, de l’ordre de la force 5 ou 6, puis tombe complètement dès que nous naviguons sous leur vent.

Saint-Vincent

Le boat boy

Nous arrivons en vue de la baie de Wallilabou où il est possible d’effectuer la clearance pour toutes les îles Grenadines qui dépendent de Saint-Vincent.

A trois mille de la baie, nous sommes hélés par un homme, dans une petite barque, qui rame de toutes ses forces pour venir à notre rencontre. Il nous fait des signes désespérés pour que nous nous arrêtions près de lui. Il nous tend un cordage et nous demande de remorquer sa barque. Il s’appelle Nicholaus et il nous explique qu’il aide les plaisanciers à accoster dans la baie de Wallilabou. Pour cela il attend les bateaux en haute mer. Dans le passé, il lui suffisait de rester à l’entrée de la baie pour guetter l’arrivée des voiliers. Mais depuis quelque temps, un de ses collègues possède une barque équipée d’un moteur. Ce collègue arrive donc toujours le premier pour louer ses services. Pour espérer être engagé, Nicholaus est obligé de se rendre beaucoup plus loin en mer, à plusieurs milles. C’est un travail très dur. Certains jours comme aujourd’hui, il ne trouve qu’un seul engagement, ce qui lui rapporte seulement 10 dollars EC soit environ 4,5 €. Maigre salaire.

A Wallilabou, les bateaux sont amarrés par l’avant et par l’arrière. A l’avant on mouille l’ancre ou on s’amarre à une bouée. A l’arrière, on s’amarre sur le rivage à un cocotier. Il faut pour cela une aussière de 50 mètres minimum. La présence d’un local se déplaçant avec une barque est indispensable pour réaliser la manœuvre.

Wallilabou est une anse très jolie, entourée de hautes collines. Il n’y a pas de maisons hormis un petit restaurant fréquenté par les plaisanciers et un bâtiment qui abrite un club de plongée et le bureau de la clearance. L’activité est donc réduite et l’endroit reste calme.

Nous profitons de l’escale pour chasser quelques mombins qui décidément sont les poissons les plus faciles à prendre. Ils ne fuient pas. Ils se cachent sous les rochers. Il suffit de se mettre en embuscade devant ces rochers pour les tirer au fusil.

Le lendemain, en nous promenant, nous assistons à une autre forme de pêche dans une anse voisine. Des pêcheurs, à l’aide d’une barque, tendent un grand filet qui encercle la plage. Ils réquisitionnent ensuite les personnes présentes pour le hisser sur la plage. La récolte est constituée d’un gros panier de poissons volants qui sont immédiatement vendus sur place, aux ménagères qui accourent, au prix de trois dollars EC la livre soit environ 1,5 €.

Le produit de la vente est ensuite réparti entre les pêcheurs.


Bequia

Admiralty bay

A quelques milles au sud de Saint-Vincent se trouve la petite ’île de Bequia. On prononce békoué. Nous nous y rendons après deux jours passés à Wallilabou. Je lance une traîne pour tenter d’attraper des poissons en route. Une énorme daurade coryphène se prend à mon leurre. Elle mesure au moins un mètre cinquante. Je la ramène le long du bateau pour la hisser à bord mais à la suite d’un excès de précipitation de ma part, elle casse la ligne et s’enfuit. C’est dommage. Il y avait là de la nourriture pour plusieurs jours. Je ne sais pas ce qu’elle va devenir avec un hameçon dans la gueule. Je pense, compte tenu de sa taille et de sa force, qu’elle finira par s’en débarrasser.

Bequia est un endroit très fréquenté. Une centaine de bateaux de plaisance sont ancrés dans la baie de l’amirauté. Nous retrouvons le voilier jaune Basta et aussi Cala Iris, un bateau du Havre. Cela fait toujours plaisir de rencontrer au bout du monde des gens que l’on connaît.

Nous sommes déjà passé à Bequia lors de notre séjour en 1998. Le lieu a changé. Il est devenu plus touristique. On trouve de nombreux restaurants sur la plage et les commerces se sont développés. Les maisons sont plus coquettes. La sécurité ne semble pas poser de problèmes. On peut laisser les annexes attachées aux pontons de débarquement sans utiliser les services d’un gardien.  Il n’y en a d’ailleurs plus.

Durant les deux nuits passées à Admiralty bay, le vent souffle fort, en rafales. Je n’hésite pas à dérouler 40 mètres de chaîne pour éviter de déraper.

La plongée sous-marine

Nous décidons avec Ludovic de faire une plongée d’exploration. Un petit club, le Bequia Dive Center fournit un équipement pour Ludovic et recharge nos bouteilles d’air comprimé. Nous empilons dans l’annexe tout le matériel nécessaire et nous nous dirigeons vers le nord de la rade, à un endroit appelé Rocky bay. Après nous être équipés, nous nous immergeons pour admirer les fonds qui sont beaux, avec une faune bien fournie. Nous observons tous les poissons multicolores du récif qui broutent paisiblement les algues accrochées aux rochers. Nous apercevons même une tortue. Je passe silencieusement près d’une colonie de mombins. Ils ne se doutent pas que j’ai récemment pris l’habitude de les chasser pour les manger. Mais aujourd’hui, je suis en plongée d’exploration, avec une bouteille d’air comprimé et bien entendu sans fusil. Il est interdit de chasser avec un équipement de plongeur autonome. La chasse serait trop facile. Je suis simplement venu aujourd’hui pour admirer toute cette vie sous-marine fascinante. Mais bientôt je reviendrai ici ou ailleurs pour chasser en apnée.

Cette plongée ayant été intéressante, nous décidons le lendemain de faire une nouvelle exploration. Sitôt dans l’eau, un fort courant nous entraîne au large. Nous nous fatiguons pour rejoindre la rive et consommons rapidement nos bouteilles d’air comprimé. La plongée se trouve ainsi écourtée.


Moustique

L’île des milliardaires

On est le vendredi 18 janvier. Nous voici maintenant sur la célèbre île Moustique décrite par tous les guides comme étant l’île sur laquelle Les plus grandes célébrités ont une maison. On cite : Mike Jaeger, Rachel Welch, et quelques hommes d’affaires fortunés. Dans le passé, la Princesse Margaret d’Angleterre a aussi possédé une maison sur de l’île.

Moustique est en effet magnifique et très bien entretenue, dans le style anglais, par de nombreux jardiniers. Les cocotiers qui poussent sur un gazon bien tondu, les villas superbes disséminées dans les collines donnent à cette petite île une impression d’harmonie. Si le paradis existait, il ressemblerait certainement à Moustique.

Nous ne manquons pas de prendre un cocktail au célèbre Basil’s bar, en admirant le coucher de soleil sur la mer. Ludovic négocie l’achat de trois langoustes à des pêcheurs. Je les tue proprement, c’est à dire avec un couteau avant de les jeter dans l’eau bouillante pour les faire cuire, pendant que Françoise prépare une petite sauce simple au beurre et au citron. Nous nous régalons.

Par contre, en fin de soirée, le mouillage de Britannia bay devient rouleur, le vent souffle fort et nous passons une nuit médiocre.


Les Tobago Cayes

Nous avons déjà visité les Tobago Cayes en 1998 sur un bateau de location loué avec des amis à Fort de France. Nous avons gardé une image idyllique de ce lieu. Il est considéré comme étant le plus beau des Grenadines avec son mouillage entouré de cinq îlots inhabités et protégés par une barrière de corail.

L’endroit aujourd’hui est un petit peu plus fréquenté. On compte une cinquantaine de bateaux au mouillage. La couleur de la mer est toujours aussi belle. Au loin, au-delà de la barrière de corail, elle est bleu foncé. Sur la barrière elle est blanche écumante et à l’intérieur elle décline tous les tons de bleu et de vert. « On se croirait dans les îles du Pacifique » constate Ludovic (qui n’y est pas allé ou pas encore…)

Quelle déception, le corail est mort !

Nous partons avec l’annexe pour plonger sur la barrière de corail où j’avais admiré une flore et une faune exceptionnelle lors de mon passage il y a quatre ans. Les bouées pour amarrer les annexes sont toujours là. Elles sont rattachées à des pieux vissés dans le sable et permettent de ne pas utiliser les ancres qui raclent et abîment les fonds.

Horreur, le corail est mort. Il est couvert d’une mousse uniforme et brunâtre qui par endroits dérive avec les vagues et reste en suspension dans l’eau ce qui réduit la visibilité.

Il ne reste rien de la flore multicolore. Plus d’anémones, plus de gorgones. Seules, quelques cervelles de Neptune subsistent. Fini les belles couleurs rouge, jaune, ocre du corail éclairé par le soleil à travers une eau jadis très claire.

La flore étant morte, beaucoup de poissons ont aussi disparu. Il reste quelques représentants de perroquets, de papillons, de cardinaux et de certaines autres espèces qui survivent en broutant la mousse.

C’est la première fois que je constate par moi-même les effets du réchauffement de la planète.

Ludovic me fait remarquer que ce corail que j’ai admiré il y a quatre ans, je ne le reverrai plus et que lui, et plusieurs générations après lui, ne pourront jamais le voir puisqu’il faut des centaines d’années pour le reconstituer.

Je ressens un sentiment de gâchis. Il est temps qu’un certain grand pays civilisé, qui donne des leçons aux autres, signe et applique les conventions internationales sur la réduction des rejets industriels dans l’atmosphère. Ainsi la prise de conscience sera réellement internationale et cette partie de notre planète cessera de se dégrader.

Je pensais rester quatre ou cinq jours aux Tobago Cayes mais ce que je vois en plongée me donne envie de partir. Je suis déçu. Cet endroit reste joli pour les plaisanciers qui ne mettent pas la tête sous l’eau, mais pour les plongeurs, c’est devenu un cimetière.

Il faut ajouter que le vent souffle fort pendant notre séjour aux Grenadines et ne nous incite pas à rester. Le vent se lève généralement en fin de journée, monte en intensité la nuit et diminue dans la matinée. Il accompagne le passage de grains avec des rafales à 40 nœuds qui rendent le mouillage désagréable.

Nous quittons les Tobago Cayes le lundi 21 janvier, par la passe du sud-ouest en évitant les récifs submergés de la barrière de corail. L’un d’entre nous reste à l’avant du bateau pour évaluer la profondeur et alerter le barreur sur les zones à contourner. La couleur de l’eau est un bon indicateur de la profondeur. Quand on traverse la barrière, si la couleur de l’eau est vert foncé, c’est le signe de la présence de rochers affleurants. Si la couleur est bleu clair, c’est que les fonds sont constitués de sable. Le passage est alors possible.

La barrière étant franchie, une petite navigation de deux heures nous mène sur la côte ouest d’Union Island, dans l’anse de Chatham.


Union Island

 


Chatham bay

 

Cette anse est sauvage, entourée de hautes collines et difficile d’accès par la terre. Elle est donc peu fréquentée. Sur la plage on trouve seulement une petite gargote en planches avec une table et six chaises. Un local y vend des langoustes grillées.

Des pélicans peu farouches sont tranquillement installés sur les rochers alentours. Ils donnent l’impression de surveiller leur garde manger : les bancs de poissons qui vivent dans la baie. De temps à autre, l’un d’entre eux s’envole et vient plonger à pic pour attraper son repas.

Avec Ludovic, nous décidons de chasser nous aussi. Nous plongeons avec le fusil et ramenons une petite friture constituée de diverses espèces dont des carangues qui sont assez difficiles à attraper car ce ne sont pas des poissons de rochers. Il faut plonger en pleine eau, entre cinq et dix mètres, pour les surprendre. Leur chair est très bonne, surtout grillée et servie avec un filet de citron. Le citron est l’élément indispensable aux Antilles. Sans lui, pas de Ti-punch ni de poissons grillés !

Le milieu du voyage

Quand on vit sur un bateau, il est agréable de faire régulièrement de la marche à pied pour se dégourdir les jambes. Nous essayons le plus souvent possible de nous balader sur les petits sentiers qui sillonnent les îles. A Chatham nous partons de la plage pour faire une belle promenade à travers les collines de Union Island en laissant l’annexe cadenassée à un tronc d’arbre. Nous atteignons la petite ville de Clifton. C’est de là que nous avions rallié Fort de France, en avion, après notre navigation aux Grenadines en 1998.

Comme dans les autres îles des Grenadines, le tourisme s’est beaucoup développé à Clifton en quatre ans. Les maisons sont plus jolies, les commerces plus nombreux, les autochtones plus accueillants. Ils ont pris l’habitude de voir des plaisanciers déambuler dans les rues et ne les regardent plus comme des bêtes curieuses.

En fin d’après midi nous rejoignons notre mouillage en laissant Ludovic à Clifton. Il poursuit son voyage, sac au dos, et nous rejoindra plus tard en Martinique.

Quant à nous, nous commençons à remonter vers le nord. On est le mercredi 23 janvier 2002 et c’est à partir d’ici que commence la deuxième partie de notre voyage, le retour vers l’Europe. Bien entendu, il reste encore 5 à 6 mois de navigation avant de rentrer au Havre et beaucoup d’îles à visiter : le centre et le nord des Antilles, les Bermudes, les Açores. Mais nous avons atteint le point le plus au sud de notre programme et avons le sentiment d’être au milieu de notre voyage.


Canouan

Charlestown bay

Située tout près de Union Island et des Tobago Cayes, Canouan est une île peu peuplée et peu active. Charlestown, l’unique bourgade, est constituée de maisons disséminées dans la colline qui surplombe la baie. L’activité touristique se limite au passage de quelques plaisanciers et à la présence d’un petit nombre de vacanciers répartis dans deux ou trois hôtels.

Nous arrivons dans la baie de Charlestown vers midi et entreprenons aussitôt une ballade le long de la plage. Le tour de la baie est vite fait. En regagnant plus tard le bateau, je constate qu’un catamaran de location est ancré à cinq ou six mètres seulement devant Harmonie. Il y a pourtant de la place partout cent mètres à la ronde. Ce qui me gène le plus, c’est que le catamaran a mouillé son ancre au-dessus de ma chaîne. En cas de dérapage de l’un ou de l’autre des bateaux, il y a un risque d’emmêler nos chaînes et nos ancres. C’est dangereux. Pouvoir lever l’ancre et partir rapidement en mer est un élément de sécurité lorsque le vent se lève et rend un mouillage intenable.

Je me décide donc à demander gentiment à l’équipage du catamaran de déguerpir illico en leur décrivant les scénarios catastrophes possibles. Ils renâclent un instant puis acceptent de s’ancrer plus loin. Deux heures après, le vent souffle en rafales, comme tous les jours, mais je peux dormir tranquille, sans avoir à surveiller les autres bateaux, en faisant confiance à mon ancre et aux quarante mètres de chaîne qui retiennent Harmonie.

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  • : Voyage Harmonie
  • : Voyage en bateau, de ports en ports. "Le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain." (Roland Dorgelès)
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