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28 mars 2002 4 28 /03 /mars /2002 06:38
La Dominique

Roseau

Nous voici devant Roseau la capitale de la Dominique, après une traversée rapide, au près,  depuis Saint-Pierre en Martinique. On est le mercredi 27 février 2002.

La Dominique a mauvaise réputation. Souvent les plaisanciers passent devant cette île sans s’arrêter et se rendent directement à la Guadeloupe. Il faut dire que certains récits ne sont pas encourageants : l’an passé un bateau de plaisance a été attaqué, de nuit, par deux hommes armés de machettes. Un équipier a été blessé mais heureusement les bandits ont été mis en fuite.

Nous décidons cependant de faire escale pour visiter l’île en redoublant de précautions : fermeture des capots du bateau la nuit, branchement de l’alarme et bombe de gaz paralysant à portée de main. Heureusement nous ne faisons pas de mauvaise rencontre. Au contraire nous trouvons les Dominicais accueillants.

La Dominique est une île indépendante entourée de deux îles françaises : la Martinique au sud et la Guadeloupe au nord. Elle est très montagneuse. Son relief n’est pas propice au développement de l’agriculture et son industrie est quasi inexistante. Elle est pauvre, en retard économique sur ses voisines mais elle dispose de possibilités touristiques exceptionnelles : des montagnes qu’on atteint par des routes sinueuses, des vallées encaissées, des rivières, des lacs et une forêt tropicale.

Ici, pour se déplacer, le meilleur moyen est de prendre un des nombreux minibus qui sillonnent l’île. Ils sont peu coûteux. Ils n’ont pas d’horaires, mais on n’attend jamais longtemps avant d’en voir passer un.

Nous prenons donc un de ces minibus en compagnie d’enfants qui rentrent chez eux après l’école. Ils sont tous habillés de la même façon. C’est une des particularités de toutes les îles qui ont été sous domination britannique.

Le minibus nous dépose face à deux magnifiques cascades, les Trafalgar Waterfalls. Une petite randonnée sous un soleil de plomb nous mène à leur pied. Nous y trempons vite les nôtres pour trouver un peu de fraîcheur.

La ville de Roseau est petite et banale. On n’imagine pas qu’il s’agit de la capitale. Des panneaux demandent aux habitants de bien accueillir les visiteurs. Les gens dans la rue appliquent la consigne. Les plus anciens saluent les arrivants en disant en français « Bienvenue à La Dominique » Les jeunes, eux, font le signe « Peace, love & canabis »

Le virage du tourisme semble être pris. Des travaux importants de voirie sont en cours, des maisons en béton remplacent les cases en bois. L’’île se transforme, se modernise. Dépêchez-vous de la visiter avant qu’elle ne perde son charme.

Nous la quittons trop vite, sans suffisamment profiter de toutes ses ressources touristiques. Mais il nous faut avancer sur le chemin du retour. Nous sommes le premier mars et nous avons rendez-vous avec nos amis Pierre Yves et Annie, dans quelques jours, en Guadeloupe.

En longeant la côte de la Dominique nous saluons en mer un autre ami déjà rencontré dans les chapitres précédents, Jean Louis, qui redescend, vers la Martinique avec son Hermine 40 « Jucunditas ». On se donne rendez-vous fin avril pour préparer le grand retour vers l’Europe.  Pendant que nous le regardons s’éloigner, un germon de 90 cm se prend au bout de ma ligne de traîne. Le germon appartient à la famille des thons mais sa chair est plus onctueuse, moins compacte que celle du thon. Il est remonté à bord et vite tué, vidé, coupé en tranches, rangé dans le réfrigérateur. Voilà du poisson frais pour les trois prochains jours. On le préparera à la poêle avec du riz, une autre fois à la Tahitienne c’est à dire cru dans une marinade de jus de citron vert, de coriandre, de sel, de poivre et d’huile d’olive - Un délice ! - et une dernière fois en acras.


Les Saintes

Nous entrons dans l’archipel des Saintes par la passe sud et jetons l’ancre derrière l’îlet à Cabrit. Le mouillage est tranquille. Nous y passons la nuit.

Le lendemain nous rejoignons l’île principale, Terre-de-Haut et débarquons dans le village. Depuis notre dernier passage en 1999, de nombreuses habitations ont été transformées en magasins à touristes : boutiques de vêtements, de souvenirs, bars et restaurants. On ne reconnaît plus l’ancien village de pêcheurs. Sur les collines, un grand nombre de villas ont poussé. Il faut dire que la baie des Saintes est très belle.

Il n’y a pas de voitures sur l’île, seulement quelques véhicules utilitaires. Par contre elle est polluée par les scooters de location qui slaloment entre les promeneurs sur l’étroite route de béton.

Malgré tout, le bourg des Saintes reste un endroit agréable et pittoresque même si ses rues sont envahies chaque matin par les nombreux touristes qui débarquent des navettes en provenance de Pointe-à-Pitre.

Heureusement, vers 4 heures de l’après midi, tous ces visiteurs ré-embarquent et Terre-de-Haut appartient à nouveau à ses habitants. Les plaisanciers ont le privilège de profiter aussi de ces heures où l’île redevient paisible.

Il y a d’ailleurs beaucoup de voiliers devant Terre-de-Haut. Il est difficile d’y trouver une bonne place pour jeter l’ancre. Celle que nous occupons est mal abritée de la houle. Nous n’y restons qu’une journée et rejoignons le mouillage de Carénage à Pointe-à-Pitre.

Pour aller des Saintes à Pointe-à-Pitre, il faut tirer des bords de près serré. Le près serré c’est comme dit le dicton deux fois le trajet, trois fois le temps, quatre fois la rogne !

Pour éviter trop de rogne, nous finissons la traversée en ligne droite, au moteur.

La Guadeloupe

La baie de Pointe-à-Pitre est bien abritée et nous mouillons dans l’anse du Carénage où plusieurs chantiers navals sont établis. Nous projetons de sortir Harmonie de l’eau pour refaire la peinture anti-salissures.

Nous connaissons la Guadeloupe pour y avoir déjà fait plusieurs séjours. Cette fois notre escale est surtout technique : entretien du bateau, achat de provisions, remplissage des réservoirs d’eau, changement des bouteilles de gaz.

En nous promenant sur les quais de la Marina Bas-du-Fort, nous retrouvons le bateau Myrielle, de Caen, déjà rencontré à plusieurs reprises de part et d’autre de l’Atlantique et nous passons plusieurs soirées sympathiques avec son équipage Gaston et Henriette. Il y a aussi le catamaran Cyrano, mais ses propriétaires, Sylvain et Pascale, sont en métropole. Nous ne les rencontrerons pas. C’est dommage.

Jusqu’où ira le déclin de l’île ?

On ne peut pas parler de la Guadeloupe sans mentionner le sujet qui revient ici dans toutes les conversations. Les discussions entre les plaisanciers ou avec les locaux qu’ils soient noirs ou métros (habitants de la Guadeloupe d’origine métropolitaine) portent toujours, à un moment ou à un autre, sur le déclin de l’île causé par les problèmes d’insécurité, de drogue, de racisme envers les blancs et récemment envers les Haïtiens, de grèves multiples et à répétition.

Le journal France Antilles  publie pendant notre séjour, les chiffres en déclin du commerce et du tourisme :

Le fret est en forte décroissance : le nombre de transbordements de containers a chuté de 256% au port du Jarry ! Ce pourcentage est tellement énorme que je me demande s’il n’y a pas une faute de frappe dans le texte !

Le nombre des passagers débarqués par les paquebots de croisière a diminué de 90% en une décennie alors que le tourisme se développe partout ailleurs. Pourtant, il y a quelques années, les grands paquebots américains et canadiens déversaient chaque jour des milliers de voyageurs à Pointe-à-Pitre. De nos jours, ils font escale plus rarement suite au mauvais accueil reçu. Derrière les mots « mauvais accueil » il faut entendre agression, vol, escroquerie, blocage des passagers par les grévistes du port et qualité de service nulle.

L’activité location de croisière est aussi en régression. La marina n’est pas aussi bondée que lors de mon passage il y a six ans. Les flottes de loueurs migrent vers d’autres îles qui font des efforts pour les attirer.

Nos interlocuteurs nous donnent le conseil de ne pas sortir le soir. « On se barricade dans notre maison ou notre appartement dès 6 heures du soir quand la nuit tombe » nous raconte un métro.

Une coiffeuse, chez qui je vais me faire égaliser les tifs, m’explique qu’elle vit depuis quinze ans en Guadeloupe et qu’elle songe à en partir. Son appartement vient d’être cambriolé. Elle m’avoue que ses seuls amis en Guadeloupe sont des métros comme elle. Les métros qui s’installent pour travailler en Guadeloupe sont mal vus de la population.

Comme en métropole et contrairement aux autres îles visitées depuis notre arrivée aux Antilles, nous retrouvons en Guadeloupe de nombreux tags sur les bâtiments. Ils sont révélateurs d’un état d’esprit indépendantiste : French go Home.

Les journaux relatent à longueur de colonnes les faits divers de la veille : vols de matériels dans les écoles, cambriolages, braquages d’automobilistes en pleine ville à la vue de tout le monde.

J’ai feuilleté le cahier des réclamations de la marina du Bas-du-Fort. Il fait état de multiples vols sur les bateaux malgré la présence d’un gardien. Des amis nous indiquent que le premier soir de leur arrivée un individu s’est introduit dans leur bateau par le capot de la cabine avant. Comme ils étaient à bord, ils ont pu le mettre en fuite rapidement.

L’île est souvent paralysée par des conflits sociaux. Toujours selon les journaux locaux, les grèves déclenchées par les professionnels du port : portiqueurs, douaniers, transporteurs routiers ou encore par certains fonctionnaires dérèglent gravement l’activité économique.

Au début de l’année, pendant que nous étions à La Barbade, nous pouvions capter une radio qui relatait un conflit en Guadeloupe entre les agents EDF et leur direction. La grève a duré plus d’un mois avec des coupures de courant quotidiennes.

« L’île est entre les mains des voyous et de syndicats irresponsables, c’est pour cela que je me suis expatrié à Sainte Lucie » nous raconte un entrepreneur.

Nous ne restons que trop peu de temps pour avoir une idée complète sur ce qui se passe en Guadeloupe. Ce que nous entendons n’est pas encourageant. Pourtant c’est une belle île que nous avons visitée en 1996 et en 1999. Elle est montagneuse et verte, elle a des atouts touristiques. Un jour elle s‘en sortira, mais elle a certainement besoin d’une petite révolution pour se réveiller de son engourdissement.

Les trois jours de carénage

Nous mettons Harmonie au sec sur une barge de carénage. C’est la première fois que nous utilisons ce système pour sortir notre bateau de l’eau. La barge possède des caissons qu’elle inonde pour s’enfoncer sous le niveau de la mer. Ceci nous permet d’entrer à l’intérieur. Ensuite un plongeur cale des tréteaux sous notre bateau. Il ne reste plus qu’à pomper l’eau des caissons pour que le plancher de la barge revienne au-dessus du niveau de la mer avec Harmonie dessus.

Nous entreprenons le travail harassant de ponçage de la coque pour enlever la vielle peinture antisalissures et repasser deux couches neuves. Il y a aussi divers travaux d’entretien  et de nettoyage à effectuer. Après trois jours de galère nous pouvons remettre Harmonie dans son élément en nous disant que ce travail ne sera pas à refaire avant au moins un an.

Le résultat est spectaculaire. Le bateau glisse beaucoup mieux sur l’eau. Nous récupérons plus d’un nœud de vitesse à toutes les allures de vent.

Nos amis sont arrivés

Dès le carénage terminé, nous accueillons nos amis Pierre Yves et Annie, le mardi 12 mars 2002,  pour une croisière d’une quinzaine de jours. Ils nous apportent les dernières nouvelles de métropole et aussi quelques camemberts et saucissons bien venus.

Notre objectif est de quitter rapidement la Guadeloupe pour visiter les îles au nord des petites Antilles.

Nous avons deux solutions pour quitter Pointe à Pitre : prendre le canal qui sépare Basse-Terre de Grande-Terre et filer directement vers Antigua ou refaire le tour de Basse-Terre par le sud. Finalement nous optons pour la deuxième solution. Nous pensons que prendre le canal qui sépare la Guadeloupe en deux ailes de papillon est compliqué. Il n’est pas dragué, son tirant d’eau est limité à 1,80 m. Les deux ponts qui barrent ce canal ouvrent à 4h30 et 5h30 du matin ce qui est très tôt à notre goût. Ces ponts ont de plus la réputation d’être souvent en panne où en grève. 

Nous repartons donc vers le sud pour faire escale aux Saintes avant de remonter vers Deshaies.

La ciguatera, mythe ou réalité ?

La ligne de pèche que nous laissons traîner pendant le trajet derrière Harmonie n’intéresse pas les daurades qui, paraît-il, pullulent à cette époque. Nous voilà bredouilles en arrivant à Deshaies. Il reste le fusil de chasse sous-marine. Après quelques plongeons le long des récifs de la pointe nord de l’anse de Deshaies, je ramène suffisamment de poissons pour constituer un repas : une vieille, des mombins, des soleils, une petite carangue et des gorettes.

En les dégustant deux jours plus tard, nous pensons bien entendu au risque d’intoxication par la ciguatera. On dit que les poissons du récif sont vénéneux de la Guadeloupe jusqu’au Îles Vierges suite à l’absorption d’une algue toxique. Il semble cependant que cette règle concerne plutôt les gros poissons qui stockent la toxine en fin de chaîne alimentaire. Les petits poissons cités plus haut sont consommables. C’est aussi le cas des daurades et des thons pris à la traîne en haute mer.

Quoi qu’il en soit de la ciguatera, la digestion de notre repas s’effectue dans d’excellentes conditions !


Antigua

Quarante milles séparent Deshaies d’Antigua. Nous les avalons rapidement sur un bord de près et mouillons dans l’anse bien protégée de Falmouth bay. Elle se trouve juste à l’est d’English Harbour. Une bande de terre étroite de quelques dizaines de mètres seulement divise les deux baies.

English Harbour, c’est le port qu’utilisait la flotte anglaise pour attaquer les vaisseaux français au XVIII ième siècle. Les amiraux Rodney puis Nelson ont équipé cet endroit d’installations navales qui ont été restaurées : magasins à vivres, cales pour réparer les navires, voileries, docks.

L’entrée d’English Harbour est bien cachée dans les falaises, le port est bien abrité et les bateaux de Nelson pouvaient attaquer les bateaux français par surprise, puis se réfugier sans être inquiétés.

Le pauvre Horatio Nelson qui s’est battu contre les Français et les Espagnols et a perdu un bras à Calvi en Corse, puis un œil à Ténériffe (à moins que ce soit l’inverse) et enfin la vie à Trafalgar serait bien étonné aujourd’hui en apercevant des navires de toutes les nationalités au milieu des installations qu’il a créées.
Parmi les voiliers, on trouve des bateaux exceptionnels, entretenus et menés par des équipages professionnels pour des propriétaires richissimes. Certains sont d’une beauté époustouflante. C’est le cas d’un ancien yacht en bois vernis qui mesure plus de trente mètres de long et participe encore aujourd’hui à des régates fameuses.

D’autres sont totalement laids comme ces engins ultra modernes qui marchent plus souvent au moteur qu’à la voile et qui ont des superstructures démesurées par rapport à la taille de leurs mâts. Ils sont construits, en un peu plus petit, à l’image des paquebots de croisières Club Med et comme eux, ils n’ont de voilier que le nom.

Le cheval de mer

En nous reposant sur la plage de Falmouth nous assistons à une scène inhabituelle. Un cheval portant un cavalier entre dans l’eau et nage vers le large jusqu’à plus de deux cent mètres du rivage. Il fait un grand tour puis revient tranquillement trotter le long de la plage. Je ne pensais pas que les chevaux étaient aussi bons nageurs. Les plaisanciers au mouillage ont du écarquiller les yeux et se dire, en voyant un cheval nager le long de leur bord, « j’arrête de boire du Ti-punch ! »

Jolly Harbour

Nous longeons la côte sud d’Antigua en passant entre l’île et les récifs de corail qui la bordent. Nous naviguons dans des eaux très peu profondes. La mer est d’une couleur exceptionnellement transparente.

Nous mouillons dans l’avant port de Jolly habour. Cette vaste cité lacustre est calme, reposante. Elle est constituée d’une marina entourée d’un vaste programme immobilier. Ses résidents, la plupart Nord américains, y vivent en circuit fermé pendant leurs vacances. Ils sont peu nombreux malgré la capacité hôtelière importante. Le site reste donc agréable. L’attraction principale est la magnifique plage de sable blanc qui borde la cité lacustre. C’est probablement la plus belle plage que nous ayons vue depuis notre départ.

Il y a encore beaucoup d’autres mouillages magnifiques sur Antigua mais nous ne pouvons pas les faire tous. Notre objectif n’est pas de visiter un maximum d’endroits. Nous préférons nous arrêter plus longtemps dans ceux où nous sommes bien. 

Quelques jours plus tard nous nous éloignons d’Antigua en nous disant qu’il s’agit d’une des plus belles îles des Antilles.

Sur le chemin qui nous mène à Nevis nous attrapons enfin un joli thon ! J’ai eu peur un moment de ne rien pêcher pendant le séjour de nos amis. Cela aurait été une déception pour Pierre-Yves, grand écumeur de maquereaux de la Manche et de morues de la Mer du Nord !

Le thon est servi de deux façons différentes au cours d’un même repas.

En entrée : cru à la Tahitienne dans son jus de citron.

En plat chaud : découpé en petits cubes cuits à la poêle.

Ces deux façons de cuisiner rendent le thon onctueux. Ce sont des plats très différents du thon grillé qui reste souvent sec et bourratif.


Nevis et Saint-Kitts

Ces deux îles voisines sont, comme Antigua, d’anciennes colonies anglaises mais elles semblent un peu endormies.  Les traces du cyclone qui a dévasté la région en 1995 sont encore présentes.

Sur Nevis, La palmeraie qui borde la grande plage est très abîmée. Les cimes de ses palmiers sont souvent étêtées. Plusieurs petits complexes touristiques sont laissés à l’abandon.

Charlestown, la capitale n’est qu’une simple bourgade. De nombreuses maisons sont inhabitées. L’île se vide de ses habitants.

Nous retenons de notre passage à Nevis le souvenir d’une raie impressionnante de deux mètres d’envergure qui nageait entre les piliers d’une jetée. Des enfants essayaient de l’attraper par la queue avec un lasso rudimentaire, en vain.

Nous quittons le mouillage rouleur de Charlestown pour en trouver un autre un peu moins rouleur à Basse-Terre, la capitale de Saint-Kitts.

Il y a à Basse-Terre, un petit port dans lequel les bateaux de plaisance de passage peuvent s’amarrer sur des pieux mais je préfère mouiller sur ancre à l’extérieur.

Nous entrons avec l’annexe dans ce petit port pour débarquer à terre. Un gardien avec un bel uniforme marqué « Sécurité » nous demande 5 dollars US pour le droit d’accoster dans le port. Habituellement, les annexes sont toujours accueillies gratuitement dans les marinas. Il y a du racket dans l’air ! Je ne marche pas. Nous ressortons du petit port pour accoster juste à l’extérieur, là où des barques de pêcheurs sont amarrées. Le débarquement à cet endroit n’est pas gratuit non plus. Un local à l’allure Rasta nous fait de grands gestes pour que nous allions vers lui. Il est sympathique et désœuvré comme beaucoup de jeunes  ici. Je négocie avec lui la garde de l’annexe et la prise en charge de nos poubelles pour un prix plus normal de 5 dollars Caraïbes (2 €)

Basse-Terre ressemble à un gros bourg. Des poules circulent sur la place principale dominée par une église. A l’intérieur, des jeunes filles répètent des danses sur des airs de gospel. La messe, ici, doit être très originale et folklorique.

La visite de Basse-Terre est rapide. Nous ne restons qu’une poignée d’heures. Le soir tombe et nous regagnons Harmonie.
Le lendemain, au cours de la traversée de dix milles qui sépare  Nevis de Saint-Kitts, notre pilote automatique tombe en panne. C’est très contrariant. Nous ne pouvons pas nous en passer en navigation à deux. C’est lui qui tient la barre presque 100% du temps. Barrer de longues heures est fastidieux. Il est bien plus agréable de se reposer, d’admirer la mer pendant qu’Harmonie avance seul. Nous devons le faire réparer rapidement.


Saint-Barthélemy

Oh la belle île !

Qu’il est bon de retrouver la civilisation occidentale sur une île riche et prospère, moderne et développée, de parler français avec les gens dans la rue, d’admirer de belles boutiques, d’entrer dans de bons restaurants. Nous avons aimé les îles anglophones qui s’ouvrent au tourisme, nous avons apprécié la Martinique et ses beaux paysages, mais ici, nous avons l’impression d’être en métropole, dans le sud de la France !

Gustavia, la capitale ressemble un petit peu à Saint-Tropez, la foule en moins !

Saint-Barth est un canton rattaché à la Guadeloupe qui est distante de 250 Km. La quasi-totalité de sa population est de couleur blanche ce qui est une exception aux Antilles. On dit d’ailleurs que Saint-Barth n’apprécie pas toujours d’être rattachée à la Guadeloupe qui ne lui ressemble en rien.

Le port de Gustavia est malheureusement un peu rouleur. Nous préférons donc être à terre plutôt que sur Harmonie. Nous fréquentons les restaurants plus souvent que d’habitude. Bien sûr la réputation « very expensive » de Saint Barth est une réalité ! Mais la qualité des produits, de l’accueil, la beauté de l’île, font oublier les notes un peu salées !

Le pilote automatique est réparé

Bonne nouvelle, le pilote automatique est réparé. Je l’ai confié à un spécialiste, Hugues Marine, qui l’a dépanné immédiatement. La panne n’était pas très grave. Un nettoyage du mécanisme d’entraînement a suffi à le refaire fonctionner. J’avais peur que des pièces soient à remplacer et d’être obligé de les faire venir de métropole. Ceci aurait signifié un délai d’attente d’une à deux semaines.

On dort bien à l’anse du Colombier

Pendant notre séjour, le port de Gustavia devient de plus en plus agité. Il laisse entrer la houle. Nous le quittons pour faire route vers une baie plus calme à l’ouest de Saint-Barth : l’anse du Colombier. Sa plage de sable blond est jolie, peu fréquentée et le mouillage est un peu moins rouleur. 

La pêche sous-marine est quasiment interdite sur toute l’île. Je me contente donc de nager avec palmes, masque et tuba le long des récifs. Comme souvent, la flore est assez pauvre, cependant la faune est intéressante. Il n’y a pas plus de poissons qu’ailleurs, mais ils sont plus gros que ceux que j’ai l’habitude de chasser.

En nageant le long des rochers, je suis rattrapé par un barracuda de deux mètres qui vient observer ce que je fais ! Sa gueule est impressionnante avec de grandes dents plantées dans tous les sens. Je ne me sens pas rassuré. Je ne suis pas armé. Je n’ai même pas mon poignard de plongée sur moi ! Le barracuda est suivi par d’autres un peu plus petits. Heureusement chacun poursuit sa route. Les barracudas vers la mer et moi vers la plage en palmant plus vite !

L’anse Saint-Jean pour nous seuls !

Après une journée à l’anse du Colombier, nous contournons la partie nord de Saint-Barth pour accéder à l’anse Saint-Jean. Il nous faut passer entre deux hauts-fonds où la mer déferle avant d’atteindre les eaux plus calmes mais peu profondes de l’anse.

Nous sommes, pendant les trois jours de notre séjour, le seul voilier à profiter de cette baie magnifique. Il y a deux raisons à cela : la première est que l’accès est assez difficile, la seconde est que le mouillage est interdit, selon les guides nautiques, par un décret qui date des années quatre-vingts. Renseignement pris auprès d’un professionnel de la plaisance de Gustavia, le mouillage, bien qu’interdit, est toléré ! Nous en profitons.

Rarement Harmonie a été ancré dans un site aussi beau, entouré de petites collines, bordé par une plage de sable fin et dominé par un rocher promontoire sur lequel est installé un restaurant fameux, l’Eden Rock.

Comme partout sur Saint-Barth, le tourisme est raisonnable. Cela durera encore longtemps, tant que ses habitants en auront la volonté. Le mauvais exemple de l’île voisine de Sint-Maarten, saturée par les casinos et les marchands de pacotilles, les incite à préserver la leur.

Le ballet des petits avions

Sur Saint-Barth, le tourisme est aussi limité par la configuration de l’île qui ne permet pas d’accueillir les avions gros porteurs. Pour se rendre à Saint Barth, il faut d’abord atterrir à Saint-Martin ou en Guadeloupe puis reprendre un avion plus petit à hélices.

Le spectacle de ces avions est stupéfiant. Les pilotes doivent avoir une grande maîtrise de leur appareil ainsi q’une bonne connaissance du lieu avant d’atterrir à Saint-Barth. La piste est courte et masquée par une colline. Ils sont donc obligés d’arriver en piqué au ras de la colline, puis de redresser leur zinc à quelques mètres seulement du sol. Frayeur garantie !

En 2001, un de ces avions s’est écrasé, tuant tous ses occupants.
Nous amis Pierre-Yves et Annie nous quittent pour rejoindre la Guadeloupe en avion. Ils n’auront pas à prendre de risques. Le décollage face à la mer est plus serein que l’atterrissage en piqué.

Avant leur départ nous faisons le tour de l’île en voiture de location. A chaque virage nous découvrons des panoramas plus beaux les uns que les autres, des plages bien entretenues. Pour confirmer notre bonne impression de Saint-Barth, nous poussons la visite jusqu’à l’anse du Grand Cul-de-Sac où nous dégustons les excellentes langoustes du restaurant La Gloriette.


Saint-Martin / Sint Maarten

L’île de Saint-martin est partagée entre la France et la Hollande depuis 1648. Nous y arrivons le mardi 26 mars 2002. La partie française est un canton de la Guadeloupe comme Saint-Barth. Mais contrairement à cette dernière, les habitants ne sont pas descendants de colons français. Les colons français ont quitté l’île après l’abolition de l’esclavage. Les habitants d’aujourd’hui sont issus des anciens esclaves et de colons anglo-saxons qui ont remplacé les Français. La population est noire en grande majorité. Ici on parle autant anglais que français, on utilise autant le dollar que l'euro. Les touristes sont principalement américains.

Philipsburg, capitale de Sint-Maarten

En arrivant de Saint-Barth, la première baie en vue est celle de Philipsburg.

Philipsburg est la capitale de la partie hollandaise. Nous nous y arrêtons, non loin de quatre énormes paquebots de croisières amarrés à un grand quai qui leur est réservé. Je crains le pire et le pire est là sous forme de milliers de touristes américains qui déambulent dans les rues.

Philipsburg est une ville totalement tournée vers le tourisme de masse. Toutes les maisons sont des commerces : on trouve des dizaines de bijouteries, des dizaines de boutiques de vêtements ou de souvenirs et aussi des bars, des restaurants et des casinos avec machines à sous.

Nous quittons Philipsburg au moment ou le Norway entre dans la baie pour mouiller. C’est toujours un beau bateau, même si ses superstructures ont été élargies pour accueillir plus de passagers.

Il débarque des centaines de touristes mal fagotés en short et T-shirt qui vont passer quelques heures dans l’enfer commercial de Philipsburg avant de ré-embarquer pour une autre destination du même genre.  Ces passagers ne ressemblent en rien à ceux que l’on voit photographiés dans des revues anciennes et qui faisaient la traversée de l’Atlantique Nord avec le Norway, dans les années soixante, lorsqu’il s’appelait Le France.

Le grand lagon

Un grand lagon occupe l’ouest de Saint Martin. On peut y entrer par la partie hollandaise et rejoindre Marigot, la capitale de la partie française, par un chenal profond de moins de 2 mètres à certains endroits. Nous passons en relevant la dérive et accostons dans la petite marina de Port la Royale. L’amarrage se fait avec une ancre à l’avant et cul à quai, face à un alignement de terrasses de restaurants surpeuplées, comme à saint-Tropez. Les clients des restaurants regardent les bateaux et font leurs commentaires. Ce qui est intéressant, c’est de s’asseoir à une terrasse et de les écouter de façon anonyme : « tu penses qu’ils viennent de loin ? Ils sont combien à dormir là-dedans ? A ton avis combien ça peut coûter un bateau comme ça ? Tu crois qu’ils ont un skipper professionnel pour les conduire ? A quoi ça sert le machin qui est sur le toit ? »

Quant aux équipages, ils ne craignent qu’une chose : rater la manœuvre d’accostage devant tous ces néophytes.

Marigot

Marigot est une petite ville tournée vers le commerce. Heureusement ce dernier n’atteint pas le gigantisme de celui de Philipsburg. Marigot n’a pas de casinos. Les gros paquebots ne s’y arrêtent pas souvent. On peut se promener tranquillement dans les rues sans être bousculés à chaque instant.

Nous restons trois jours et passons quelques moments sympathiques dans les restaurants qui bordent la marina de Port la Royale.

Le séjour ici est agréable, même si l’île de Saint-Martin et sa capitale Marigot n’ont pas le chic ni le charme de Saint-Barthélemy et de Gustavia.

On nous a pris pour des gogos et nous avons joué le jeu

En nous promenant devant la plage de Marigot, une voiture s’arrête à notre hauteur. Un passager interpelle gentiment Françoise : « Vous passez de bonnes vacances ? » - « Ma fois oui ! » – « Vous voulez jouer à un jeu ? » – « Pourquoi pas ! » – « Quel mot en six lettres est bien caractéristique de Saint-Martin ? » – Je tente une réponse : « soleil ? » – « Bravo vous avez gagné 3 tickets de loterie. Grattez ici et si trois étoiles apparaissent vous avez gagné soit 10.000F, soit un séjour dans un hôtel de luxe, soit un caméscope ! « – Françoise gratte et comme je m’y attendais, trois étoiles s’affichent. « Et maintenant, qu’avons-nous à faire pour retirer notre lot ? » – « Il suffit de nous suivre dans le plus grand hôtel de l’île. Quelqu’un vous fera visiter cet hôtel à titre publicitaire et après il vous remettra votre cadeau » – Je commence à comprendre, on va chercher à nous vendre un appartement en multipropriété dans cet hôtel. Les rabatteurs nous voyant hésiter devant notre super cadeau ajoutent : « Dans une heure maxi, vous serez de retour ici, le taxi sera payé par l’hôtel et vous aurez reçu votre lot » - Après tout pourquoi pas, nous avons une heure de libre devant nous, allons voir jusqu’où cette méthode commerciale est poussée.

La voiture nous conduit dans la partie hollandaise de Saint-Martin et nous découvrons en effet un superbe complexe hôtelier qui fait face à la mer. On nous mène dans un bureau de vente. Un vendeur nous offre des rafraîchissements, nous fait visiter quelques appartements très beaux et nous installe à une terrasse pour discuter. Il nous vante les avantages de la multipropriété, la possibilité d’échanger les semaines achetées contre des séjours partout dans le monde. Cela prend une heure. Ensuite sa patronne vient proposer la partie financière : Pour 100.000 F moins une réduction immédiate de 20.000F, nous devenons copropriétaire d’un de ces superbes appartements bien équipés de tout le confort moderne. Donc pour 80.000F, nous pouvons l’occuper pendant une semaine tous les ans.

La discussion est cordiale, sans pression excessive. J’évite donc d’être désagréable en disant que 80.000F pour une semaine, cela met le prix de l’appartement à 4.160.000F l’année ! Même s’il est beau, il est loin de valoir ce prix là.

De toutes les façons, je sais d’avance que je ne signerai pas. Je ne suis pas intéressé par ce type de vacances. Plutôt que de voyager d’hôtels en hôtels en échangeant des semaines de multipropriété, je préfère voyager en bateau. C’est un mode de transport lent mais qui permet d’aller et venir comme bon me semble.

Après une dernière tentative pour nous vendre un appartement moins cher, l’entretien se termine sans fâcheries. Il nous reste à gratter la dernière partie grisée du ticket gagnant. Je l’aurais parié, nous avons gagné un séjour d’une semaine dans un hôtel quatre étoiles qui nous permettra de mieux comprendre les avantages de la multipropriété ! J’aurais préféré emporter le chèque de 10.000F mais c’est sûrement un lot qui ne doit jamais sortir.

On nous appelle un taxi qui va nous reconduire à Marigot. En l’attendant, nous voyons passer de superbes voitures devant l’hôtel. Une grosse Lincoln rutilante s’arrête à notre hauteur. Aucun signe ne laisse apparaître qu’il s’agit d’un taxi. Le chauffeur nous explique qu’il a sa clientèle et qu’il n’a pas besoin de marques extérieures ni intérieures sur son automobile. Nous rentrons tranquillement à Marigot, dans cette voiture de luxe, en longeant la côte ouest.

Nous avons passé deux heures à discuter avec des vendeurs dans un cadre agréable. J’ai observé leur attitude et écouté leurs arguments. Ils ne font pas un métier facile. J’espère pour eux que sur 10 gogos attirés comme nous par les rabatteurs et leurs tickets gagnants, il y en a un qui signe.
Le dimanche de Pâques, après avoir fait les pleins d’eau et lavé le bateau, nous quittons la marina et sortons du lagon pour mouiller dans la baie de Marigot. Il y a là plusieurs voiliers qui se préparent déjà à rentrer en Europe. Parmi les skippers, certains parlent de revendre leur bateau et de rentrer en avion pour éviter la traversée Antilles-Açores-Europe réputée difficile à cause des dépressions de l’Atlantique Nord et aussi plus longue que le trajet Europe-Canaries-Antilles effectué avec les alizés favorables. 

Quant à nous, il nous reste environ un mois avant de prendre le chemin du retour. Demain nous partons vers les Îles Vierges qui ont la réputation d’être un des endroits les plus intéressants et les plus beaux pour naviguer.

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  • : Voyage en bateau, de ports en ports. "Le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain." (Roland Dorgelès)
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