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6 juin 2001 3 06 /06 /juin /2001 23:28
Les derniers préparatifs

Le salon de la navigation de décembre 2000, le dernier avant notre grand départ

J’aborde le salon 2000 l’esprit serein. Le bateau est pratiquement prêt pour son grand voyage. Il ne reste qu’une liste restreinte de choses à acheter. Harmonie est bien équipé sans être suréquipé. J’ai fait installer tous les instruments modernes habituels : loch, sondeur, radar, girouette anémomètre, pilote électrique monté sur la mèche de safran. Des répétiteurs permettent de lire ces instruments depuis le cockpit. Tous ces matériels ont été  choisis dans la gamme Raytheon. J’ai ajouté un GPS MLR (système de positionnement par satellite), un récepteur radio Sangean FM/AM/SW muni d’un enregistreur à cassette pour conserver les bulletins météo, un baromètre électronique de la marque Altitude et une VHF.

Le bateau possède aussi un chargeur de batteries et un convertisseur de courant électrique. Ce dernier permet d’utiliser en pleine mer divers appareils ménagers et de petits outils électriques fonctionnant en 220 volts à partir du courant des batteries.

J’ai fait l’impasse sur des matériels un temps envisagés tels que le récepteur Navtex, le système de communication par satellite Immarsat, les cartes électroniques. Ces instruments semblent complexes, très coûteux et d’un usage limité.

Le récepteur météo Navtex ne fonctionne qu’à proximité des côtes. Il ne répond donc pas complètement à notre programme.

Les cartes électroniques lisibles  sur un ordinateur sont séduisantes quand on les voit en démonstration, connectées aux autres instruments du bord. Mais pour faire un tour de l’Atlantique il faut acquérir un jeu complet qui sera très peu rentabilisé. L’achat de cartes électroniques, compte tenu de leur prix se conçoit lorsque le bateau navigue toujours dans une même région ce qui limite le nombre de cartes à acheter. En outre, l’électronique peut tomber en panne ou l’énergie du bord peut manquer. Il faut donc acquérir, en plus, les mêmes cartes en format papier. Ce dernier argument me fait rejeter l’idée d’acheter des cartes électroniques.

Le problème des communications à grande distance avec l’Europe depuis le bateau est plus difficile à trancher. Pouvoir communiquer est un élément de confort et aussi de sécurité. Cependant l’installation nécessite un budget élevé sans compter le coût des communications. A priori je décide de m’en passer.

Il me reste à acquérir un petit groupe électrogène, pour recharger les batteries, fonctionnant à l’essence comme le moteur de l’annexe. Il n’y a donc pas de bidons supplémentaires de carburant à prévoir. Bien entendu l’alternateur de 80 ampères couplé au moteur du bateau fournit aussi de l’électricité. Cependant un alternateur ne peut compenser la consommation du bord qu’au prix de longues heures de fonctionnement. Deux à trois heures en moyenne chaque jour disent les navigateurs qui ont déjà traversé l’Atlantique. Un moteur de voilier est d’abord conçu pour faire tourner une hélice à des vitesses optima pour l’avancement du bateau, Il n’est pas réellement adapté à l’entraînement d’un alternateur qui produit du courant. Au contraire un groupe électrogène est étudié pour fabriquer du courant. Son rendement est donc bien supérieur, On peut obtenir une recharge des batteries en un temps beaucoup plus court, ce qui fatigue moins les oreilles.

Sur les côtes de France, la corvée de recharge des batteries ne pose pas de problèmes. On branche un câble à une borne de quai en arrivant au port et le chargeur  du bateau fait son travail en silence. Il transforme le courant alternatif 220 volts du quai en 12 volts continu et il l’envoie dans les batteries pendant que l’équipage se repose. Mais au cours du périple que nous entreprenons, le bateau est destiné à être le plus souvent au mouillage sur son ancre, dans de jolies criques bordées de cocotiers, abritées sous le vent des îles et plus rarement dans des marinas équipées de bornes électriques, Il lui faudra donc produire son électricité. Il y a d’ailleurs peu de marinas dans les Caraïbes et elles sont chères.

Une autre acquisition prévue est un GPS de secours, portable, alimenté par des piles pour être utilisé si le GPS fixe tombe en panne ou si l’électricité du bord vient à manquer. Pour déterminer notre position sur l’eau, nous n’avons jamais appris, comme la plupart des plaisanciers, à nous servir d’un sextant et n’avons pas l’intention de commencer aujourd’hui. Le GPS est donc notre outil essentiel de navigation.

Les vieux loups de mer disent que les vrais marins doivent savoir se servir d’un sextant. Bien sûr, savoir mesurer la hauteur des astres avec un sextant et être capable d’en déduire la position géographique du bateau à l’aide d’éphémérides lisibles uniquement par les savants Cosinus, confère au skipper un prestige enviable. C’est une fierté que je décide de ne pas revendiquer.

Le sextant, instrument noble que les capitaines de la Marine ancienne gardaient précieusement dans un boîtier capitonné, tombe en désuétude. Il est aujourd’hui dépassé par l’arrivée des instruments électroniques comme le GPS qui donne rapidement la position du bateau à toute heure quel que soit la visibilité et aussi beaucoup d’autres indications utiles aux navigateurs, sans les obliger à faire des calculs longs et fastidieux. Cependant le sextant reste obligatoire à bord des bateaux. Les textes officiels évoluent beaucoup moins vite que les progrès de l’électronique. Aussi aujourd’hui, on trouve dans le commerce des sextants bon marché en plastique, généralement peu fiables, destinés à rester au fond de leur boîte, sauf en cas de contrôle des Affaires Maritimes. Et il faut faire attention ; on dit qu’en France il y a plus d’Autorités Maritimes que de marins !

La météo  épouvantable en novembre et décembre ne nous permet pas de naviguer suffisamment pour poursuivre la prise en main du bateau. Les dépressions se succèdent sans arrêt. Un vrai temps de chien. J’écoute RFI qui me donne des météos annonçant du beau temps aux Antilles. Vivement le grand départ.

En attendant, il est temps comme tous les ans, d’hiverner le bateau. Les deux week-ends suivant le Salon nautique sont consacrés au désarmement d’Harmonie. Un maximum de matériel est débarqué, les voiles sont démontées, pliées et rangées, les réservoirs d’eau sont vidés et aérés, celui de gasoil rempli à ras bord et le moteur est mis hors gel.

Quant aux navigateurs, il ne leur reste plus qu’à hiberner.

La fin de l’hiver

Que les mois d’hiver sont longs ! Nous profitons d’un week-end de mi-mars 2001 pour remettre Harmonie en service. Le moteur tourne à nouveau comme une horloge, les voiles sont ressorties des housses, la girouette retrouve sa place en tête de mât, les répétiteurs électroniques sont remontés sur leur console. Il n’y a plus qu’à attendre une météo favorable pour retrouver les plaisirs de la navigation. La peinture anti-salissures est à remplacer mais cela attendra encore quelques semaines, jusqu’au grand départ de l’été 2001. 

Les dernières répétitions aux îles Anglo-Normandes

Trois semaines de congés à la fin du printemps 2001 (vive la RTT et les jours fériés de Mai) nous conduisent dans les Iles Anglo-Normandes pour effectuer les derniers essais du bateau. Nous testons notre groupe électrogène Honda peu encombrant et léger – 13kg/1000W - qui nous procure un bon complément d’énergie électrique.

Nous échouons Harmonie dont le fond est plat, sur la grande plage de Saint Aubin au sud de Jersey. Le bateau se pose à marée basse, bien droit sur du sable dur. A cette époque de l’année Harmonie est le seul bateau au milieu de la vaste baie et son image au milieu de la mer de sable apporte une note insolite au paysage. Les promeneurs viennent à pied tourner autour du bateau et faire des remarques plutôt sympathiques que nous entendons depuis l’intérieur de la cabine où nous nous réfugions du froid sous la couette.

Après Jersey, cap sur l’archipel de Chausey que nous abordons par la passe nord avant de rejoindre le mouillage du Sound. Quel plaisir de naviguer dans ces Iles à l’époque de l’année où elles sont désertées par les touristes ! Nous ne sommes que trois voiliers à passer la nuit amarrés aux bouées installées dans le chenal principal. A marée basse Chausey nous donne l’impression d’un paysage lunaire avec ses rochers s’étendant à l’infini. Puis à marée haute, la mer reprend sa place et apporte sur le Sound une petite houle qui fait tanguer les bateaux.

Une courte navigation nous emmène ensuite à Dinard où le mouillage est peu abrité du vent de nord-est qui souffle à force 5. Harmonie est ballotté et nous passons la journée à terre.

La ville est belle avec ses grands hôtels restaurants au style ancien.

Nous rentrons sur le bateau en annexe à la nuit tombante et trouvons tout de même le sommeil pendant les deux nuits agitées que nous passons dans la baie de Dinard.

Le vent soufflant toujours de nord-est, la remontée vers le nord se fait au prés serré par vent de force 5 à 6 avec un ris pris dans la grand voile et 4 tours dans l’enrouleur de génois. Le bateau navigue le plus souvent sous pilote automatique. Nous surveillons sa marche depuis le cockpit, abrité sous la capote d’où nous pouvons voir les instruments de navigation et contrôler la route.

Nous ne manquons pas de passer par Guernesey qui est une île très attachante. Nous mouillons sur ancre au Moulin Huet au sud de l’île et débarquons en annexe au pied des falaises. Le soleil s’est enfin décidé à apparaître. Le paysage est magnifique. Nous faisons une superbe ballade dans les petits chemins creux qui serpentent le long de la côte abrupte. Nous retrouvons, dans ces chemins bien entretenus et abrités du vent, des senteurs agréables apportées par des arbrisseaux épineux à fleur jaune. J’aimerais vous donner leur nom mais mes compétences  en botanique sont hélas trop limitées.

Le lendemain nous quittons le mouillage du Moulin Huet avec un courant favorable qui en début de journée nous emmène à grande vitesse vers le nord – 10 nœuds à hauteur de Sercq dans le chenal du grand Russel - malgré le vent de nord-est qui nous ralentit en nous obligeant à tirer des bords. La suite du périple pour tenter de rejoindre Aurigny est plus difficile. Petit à petit, le courant diminue et s’inverse. En milieu d’après midi, à hauteur de l’île d’Aurigny nous avançons toujours à 5 ou 6 nœuds sur l’eau qui défile sous la coque mais le GPS nous indique que nous ne progressons plus par rapport à la côte. Nous commençons même à reculer. L’appui du moteur n’y peut rien, le courant est beaucoup trop fort. A une demi-heure près, le passage aurait été possible pour atteindre Port Braye. C’est rageant. Il ne nous reste plus qu’à attendre pendant 6 heures environ la renverse du courant ou à changer de direction pour revenir sur nos pas. C’est ce que nous faisons. Virement de bord et cap sur Dielette avec le courant et le vent portant dans le bon sens. Nous y sommes rapidement et passons une bonne soirée amarrés au ponton des visiteurs.

Le lendemain nous sautons l’étape d’Aurigny et rejoignons directement le port de Saint-Vaast la Hougue en passant par le raz Blanchard et le raz de Barfleur. Je suis souvent passé par ces endroits pour aller et venir entre la Normandie et la Bretagne. A chaque fois la puissance des courants m’impressionne. Le Cap de la Hague défile à plus de 10 nœuds et la bouée de la Horaine qui délimite l’extrémité ouest du cap donne l’impression d’avancer sur l’eau à la vitesse d’un hydroglisseur. En réalité c’est la mer qui se déplace autour d’elle à cette vitesse. L’effet est trompeur comme dans un train qui démarre à coté d’un autre train situé sur le même quai. Quand on regarde à travers la vitre, on ne sait jamais si c’est le train dans lequel on est qui démarre ou si c’est celui d’en face.

La zone du Cap de la Hague est réputée être terrible par mauvais temps quand le vent s’oppose au courant et lève des vagues énormes. Heureusement aujourd’hui il fait beau et la mer est plate. Le bateau glisse bien sur l’eau.

Nous arrivons à Saint-Vaast à marée basse suivi par un Zodiac de la SNSM. Il s’amarre directement au môle sud de la jetée extérieure du port celui-ci n’étant pas encore accessible compte tenu de l’heure de marée. De notre coté nous mouillons sur ancre dans 2 mètres d’eau et nous dirigeons avec l’annexe vers l’endroit où le Zodiac vient de débarquer. Ses occupants nous demandent d’accoster plus loin car ils rapportent une cargaison macabre, la dépouille d’un pêcheur disparu en mer depuis plusieurs jours. Des personnes présentes sur le quai nous indiquent que ce retraité connaissait bien la mer et la région. Mais partir seul en mer sur un petit bateau pour pêcher quand le temps n’est pas très beau reste dangereux. Les pêcheurs paient chaque année un lourd tribut à la mer. Nous nous efforçons, en rentrant au Havre, d’effacer ce drame de notre mémoire  pour continuer à voir la mer sous ses cotés positifs.

Au revoir les amis !

Pendant les dernières semaines qui précédent notre départ, je reçois les encouragements de nombreuses connaissances, notamment de collègues de travail, qui me félicitent de prendre une année sabbatique pour couper avec la vie quotidienne, vivre une expérience originale et réaliser mon rêve. Des gens viennent me voir et me disent : «Tu as raison de faire cela. C’est super de rompre avec la vie professionnelle, de prendre du recul et de se lancer dans un tel projet. J’aimerais bien aussi partir un an pour voyager ou faire quelque chose qui sort de l’habitude. C’est toi qui est dans la vérité»

Je les remercie sincèrement de leur soutien.

J’ai aussi envie de leur répondre :

« Qu’est ce qui vous empêche de partir ? Qu’attendez-vous pour fuir la ville, sa grisaille, sa pollution, ses embouteillages et vous tirer à la campagne, à la mer ou à la montagne selon vos goûts ? N’avez vous pas au fond de vous des désirs à réaliser ? Quels sont vos rêves secrets ? Partir loin à l'étranger ? Créer votre entreprise ? Aménager votre temps de travail au gré de vos loisirs ? Travailler à votre domicile ? Changer de cadre ?

Réfléchissez à ce qui vous passionne et à tout ce que vous pourriez faire d’intéressant avec les gens que vous aimez, votre conjoint, vos enfants, vos amis, si vous disposiez du temps nécessaire. Osez réaliser vos envies tant que vous le pouvez! Que risquez-vous ? Mieux vaut perdre trois sous que de rester toute une vie avec des regrets.  

Je m’étonne que beaucoup d’entre vous restent scotchés à leur bureau devant leur ordinateur tous les jours jusqu’à 20 heures ou plus, et ne voient le monde qu’à travers lui. 

Même si votre métier est intéressant - le mien, la formation, est très motivant – il ne justifie pas qu’on y consacre tous ses instants.

Avez vous réfléchi aux grands équilibres de votre vie ?

Quel pourcentage de votre temps consacrez-vous à votre famille et à vos amis, à vos passions et loisirs, à votre travail ?

Qui arrive en tête de ce palmarès ? Le travail bien sûr. Mais s’il atteint et dépasse 50% de votre activité éveillée hebdomadaire, commencez sérieusement à vous poser des questions sur le sens que vous donnez à votre existence.

Peut-être suis-je dans l’erreur ? Il est possible que votre épanouissement passe par le travail au point de l’identifier à votre destinée, que bosser 12 à 15 heures par jour soit nécessaire à votre équilibre, qu’exercer le pouvoir et avoir beaucoup de chiffres alignés en bas de votre bulletin de salaire soient votre façon de vous réaliser, qu’être situé à une place élevée dans l’organigramme de votre entreprise soit indispensable à votre statut social, que les remerciements des actionnaires de votre société soient votre stimulant.

Après tout, chacun se construit une trajectoire personnelle en prenant des décisions en fonction de ses envies et de ses contraintes du moment.

Je respecte donc vos  choix. »

A ceux qui ont des rêves cachés, je leur conseille d’en parler. Vous verrez, dans la plupart des cas votre entourage vous soutiendra et le fait d’en parler vous motivera. Ne remettez pas à plus tard vos ambitions, n’attendez pas le moment de la retraite pour faire quelque chose d’original dans votre existence. Si vous n’avez rien fait avant de la prendre, vous deviendrez de bons clients pour les organisateurs de voyages du troisième âge qui vous conduiront en troupeau chez tous les vendeurs de souvenirs de la planète.

Ne croyez pas que le manque d’argent soit une raison de renoncer à un rêve. C’est un faux prétexte. Si l’ambition est de voyager, on peut le faire selon son budget, à pied, en vélo, en auto, en bateau.

Sur la mer on rencontre des gens partis avec trois fois rien et d’autres avec tout ce qu’il faut. Les gros budgets ont de beaux navires très confortables, n’hésitent pas à louer des voitures dans les endroits qu’ils visitent ou à prendre l’avion pour faire des allers-retours en métropole pendant leur périple. Les autres vivent plus chichement, travaillent parfois un peu en route pour gagner de l’argent, s’offrent moins de restaurants mais tous apprécient autant cette période de leur vie, en liberté et en bateau.

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  • : Voyage en bateau, de ports en ports. "Le voyage pour moi, ce n'est pas arriver, c'est partir. C'est l'imprévu de la prochaine escale, c'est le désir jamais comblé de connaître sans cesse autre chose, c'est demain, éternellement demain." (Roland Dorgelès)
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